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Le condominialisme à deux Etats, la solution au conflit israélo-palestinien ?

Jerusalem
Jerusalem. Photo: jasonwain/flickr.

PRINCETON – Imaginez une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien qui mettrait fin à la division de Jérusalem, accorderait aux Palestiniens le droit au retour et aux Israéliens celui de s’établir où ils veulent en Cisjordanie s’ils y achètent des terres. Il ne s’agit pas d’un projet chimérique, mais de la réinvention créatrice et adéquate de la notion d’Etat au 21° siècle. La visite que vient d’achever le président Obama en Israël est l’occasion d’explorer cette nouvelle forme de pensée.

Depuis que Bill Clinton a failli parvenir à un accord global en 2000, le mantra des partisans d’un processus de paix israélo-palestinien est qu’une solution existe, mais que les dirigeants israéliens et palestiniens n’en veulent pas. La solution repose sur un aménagement de l’accord recherché par Clinton : deux Etats souverains basés sur les frontières de 1967 avec des échanges de terre négociés pour prendre en compte les colonies de peuplement existantes. L’accord inclurait un corridor reliant Gaza et la Cisjordanie, la partition de Jérusalem, mais avec l’accès garanti à tous aux sites religieux, la renonciation des Palestiniens au droit au retour dans l’Etat juif, la volonté israélienne de démanteler les colonies établies hors des frontières convenues et la reconnaissance des deux Etats par tous les pays du Moyen-Orient.

Supposons qu’aucun Palestinien et aucun Israélien ne veuille de cet accord parce qu’il est inacceptable des deux cotés, et que même si cet accord est le seul envisagé, l’expansion rampante du territoire israélien et l’expansion démographique des Arabes israéliens continuera à saper ses fondations. Quoi qu’il en soit des sombres avertissements relatifs à la fermeture prochaine (si ce n’est déjà fait) de la fenêtre permettant la mise en œuvre de la solution à deux Etats, cette solution elle-même constitue un problème.

En 2008, un étudiant en philosophie de 3° cycle de l’université de Princeton, Russell Nieli, a donné une conférence au Princeton Center for Jewish Life. Elle a connu un tel succès qu’il en a fait un article pour le magazine américain Tikkun fondé par le rabbin Michael Lerner. Intitulé“Toward a Permanent Palestinian/Israeli Peace – the Case for Two-State Condominialism,” [Vers une paix permanente entre Palestiniens et Israéliens : la solution du condominialisme à deux Etats], son but explicite est d’encourager “une pensée créatrice au sein de la jeune génération de juifs et d’Arabes, libre de la vision limitée du passé et des politiques qui ont échoué”.

Le “condominialisme à deux Etats” est aussi visionnaire que son nom est lourd. L’idée centrale est qu’Israéliens et Palestiniens seraient citoyens de deux Etats différents et par conséquent s’identifieraient à deux entités politiques différentes. La Palestine serait l’Etat du peuple palestinien et Israël un Etat juif. Néanmoins, dans ce cadre les Palestiniens et les juifs “auraient le droit de s’établir en tout lieu à l’intérieur de l’ensemble constitué par les deux Etats qui formeraient une communauté binationale unique”.

Examinons cette proposition. Ainsi que le formule Nieli, les Palestiniens “auraient le droit de s’établir n’importe où en Israël et de même les juifs auraient celui de s’établir n’importe où dans l’Etat palestinien. Quel que soit l’Etat dont ils sont originaires, tous les Palestiniens seraient citoyens de l’Etat palestinien et tous les juifs seraient citoyens de l’Etat d’Israël”. Chaque Etat aurait à la fois les moyens et l’obligation de répondre aux besoins économiques, culturels, religieux et matériels de ses citoyens installés sur le territoire de l’autre Etat. Chaque Etat aurait donc des responsabilités et des droits extraterritoriaux, à l’image des USA qui subviennent aux besoins de nombreux expatriés américains (par exemple les familles des soldats américains basés à l’étranger).

Pour que cela fonctionne, il faut d’abord définir les frontières de chaque Etat – sans doute sur les bases de ce qu’elles étaient en 1967, en y incluant des échanges de territoires acceptés par les deux parties. Les Arabes israéliens abandonneraient la citoyenneté et la nationalité israélienne en échange de la citoyenneté et de la nationalité palestinienne – mais sans changer de lieu de résidence. Ils auraient le droit permanent de vivre en Israël et conserveraient les droits qu’ils avaient en tant qu’Israéliens, sauf le droit de vote qu’ils exerceraient dans le cadre de l’Etat palestinien. Tous les autres Palestiniens vivant en Israël bénéficieraient exclusivement des droits liés à leur nationalité palestinienne.

Le condominialisme reconnaît la réalité de l’interconnexion forte entre les colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie et le reste d’Israël – en termes de réseau routier, électrique, d’adduction d’eau, de structure administrative et d’économie (à la manière de l’interdépendance de la partie israélienne et de la partie palestinienne de Jérusalem). Au lieu de séparer ces structures pour en faire deux entités distinctes, il serait bien plus logique de des développer au bénéfice de la population des deux Etats et de leurs économies. D’autant que dans un monde où de nombreux citoyens passent de plus en plus de temps dans un espace virtuel, le condominialisme existe déjà de facto.

Dans les années 1950, après quatre décennies de guerre qui ont déchiré l’Europe, l’idée d’une Union européenne au sein de laquelle les citoyens des Etats membre se déplaceraient et travailleraient librement tout en conservant leur allégeance politique et leur identité culturelle semblait difficilement réalisable elle aussi. Le nom du processus politique qui devait permettre de construire l’UE, le “néo-fonctionnalisme”, était aussi abstrait et bizarre que celui de “condominialisme à deux Etats”. Pourtant les dirigeants français et allemands ont eu la vision et la volonté nécessaire pour lancer une expérimentation audacieuse qui a donné naissance à une économie regroupant 500 millions de personnes.

Ainsi que le montre l’exemple européen, une ancienne inimitié peut être source d’une nouvelle conception étatique. Dans les années 1950, de nombreux jeunes (comme ma mère de nationalité belge) étaient farouches partisans de la nouvelle vision de l’Europe. Les jeunes Israéliens et les jeunes Palestiniens d’aujourd’hui sont fiers de leur esprit d’entreprise – avec la vision et les risques que suppose la création de quelque chose de neuf. Soutenir et contribuer à une start-up politique innovante pourrait être le symbole de leur génération.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Copyright Project Syndicate

Anne-Marie Slaughter est professeur en sciences politiques et affaires internationales à l’université de Princeton. Elle a été directrice de la prospective au Département d’Etat de 2009 à 2011.

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A New-State Solution for Israel and Palestine

Jerusalem
Jerusalem. Photo: jasonwain/flickr.

PRINCETON – Imagine a two-state solution in Israel and Palestine in which Palestinians would have the right of return; Israelis could settle wherever they could purchase land in the West Bank; and Jerusalem need not be divided. This is not a fanciful vision, but a creative and eminently sensible reinvention of twenty-first century statehood. And US President Barack Obama’s just-completed visit to Israel provides an opportunity to explore genuinely new thinking.

Ever since Bill Clinton nearly succeeded in brokering a comprehensive settlement in 2000, the mantra among supporters of the Israeli-Palestinian peace process has been that, while a solution exists, Israeli and Palestinian leaders who are willing to reach it do not. The solution is a version of the deal that Clinton sought: two sovereign states based on the 1967 borders, with negotiated land swaps to reflect existing settlement patterns. The agreement would include a land corridor connecting Gaza and the West Bank; a divided Jerusalem with guaranteed access for all to religious sites; Palestinians’ renunciation of the right of return; Israel’s willingness to dismantle settlements outside the agreed borders; and recognition of both states across the Middle East.

India’s Five Thoughts on China

Manmohan Singh
Manmohan Singh. Photo: World Economic Forum/flickr.

NEW DELHI – There is something about the number five in Sino-Indian relations. Asia’s two giants have long defined their relationship in terms of the famous Pancha Sheela: mutual respect for each other’s territorial integrity and sovereignty; mutual non-aggression; mutual non-interference in each other’s internal affairs; equality and mutual benefit; and peaceful co-existence.

Now China’s new leaders have enunciated a new Pancha Sheela, with President Xi Jinping offering a “five-point proposal” for Sino-Indian relations. The updated principles would maintain strategic communication and healthy bilateral relations; harness each other’s strengths and expand cooperation in infrastructure, investment, and other areas; deepen cultural ties and increase mutual understanding and friendship; expand coordination and collaboration in multilateral affairs to safeguard developing countries’ legitimate interests and address global challenges; and accommodate each other’s core concerns and reconcile bilateral disagreements amicably.

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L’automne des patriarches

Hugo Chávez
Hugo Chávez. Photo: Valter Campanato/ABr/Wikimedia Commons.

MADRID – « Comme il est difficile de mourir ! » aurait déclaré Francisco Franco sur son lit de mort. La mort est semble-t-il toujours particulièrement difficile à gérer pour les autocrates, même lorsqu’ils meurent de causes naturelles.

L’agonie d’un dictateur est toujours une forme de dramaturgie, avec ses masses extatiques, les futurs successeurs luttant pour leur survie politique, et dans les coulisses, la coterie du dictateur rallongeant la vie de leur patriarche pour assurer dans l’interlude la protection de leurs privilèges. Le gendre de Franco, qui était aussi le médecin de la famille, avait plus d’un mois durant maintenu le despote artificiellement en vie.

Il est difficile de dire depuis combien de temps le vénézuélien Hugo Chavez était mort avant que son décès ne soit officiellement annoncé. Gagnant du temps pour assurer leur propre avenir politique, les responsables vénézuéliens ont soigneusement mis en scène la maladie, puis la mort de Chavez, suggérant même à la fin, alors qu’il était soumis à des traitements complexes et insoutenables contre le cancer, qu’il « marchait toujours et faisait de l’exercice. » Ce vide d’information n’est pas sans rappeler le secret qui avait entouré les disparitions de Staline et de Mao, ou la coutume ottomane de garder secrète la mort du sultan pendant des semaines jusqu’à ce que la succession soit effectivement réglée.

La manipulation émotionnelle de la mise-en-scène entourant la mort de Chávez semble certainement se traduire par un soutien électoral en faveur de son successeur, Nicolás Maduro. Mais cela suffira-t-il pour créer une lignée Chaviste ?

En Argentine, malgré le désastre qu’avait entrainé le retour au pouvoir de Juan Perón en 1973 après 18 années d’exil, le Péronisme s’était réincarné dans les années 1980 dans la présidence de Carlos Saul Menem, puis avec l’arrivée du président Néstor Kirchner et plus tard, de son épouse, l’actuelle présidente Cristina Fernández de Kirchner. Dans ses discours mélodramatiques, Fernández ne se cache pas de vouloir élever son défunt mari au statut de saint, tout comme Perón l’avait fait pour sa femme Evita. Lors de sa prise de fonction, elle a d’ailleurs non seulement juré allégeance à la constitution, mais aussi à « Lui » (Kirchner).

Contrairement aux simples mortels, les dictateurs ont effectivement une bonne chance de profiter d’une vie après la mort. Dans l’Egypte ancienne, les Pharaons décédés étaient embaumés et déifiés. Après Auguste, le premier prince romain, le Sénat pouvait voter l’accession des empereurs décédés au statut de divinité. Une telle apothéose, bien sûr, servait les intérêts politiques des successeurs de l’empereur, qui pouvaient alors prétendre à un lignage d’ordre divin tout en aspirant à être eux-mêmes élevés au statut de dieu.

Chávez excellait à ridiculiser ses ennemis politiques, mais il était bien trop narcissique pour envisager sa fin avec le style d’humour qui, d’après Suétone, inspira le trait d’esprit de l’empereur Vespasien sur son lit de mort : « Oh ! Je dois être en train de devenir un dieu. » L’idée grotesque d’embaumer le corps de Chavez a finalement été rejetée précisément par crainte des dommages que subirait le corps durant sa présentation aux masses, dans un exercice chaotique de manipulation politique.

Un dieu, certainement pas, mais un saint, peut-être. En effet, ce qui était assez bon pour « Sainte Evita », comme l’appelait l’écrivain Tomás Eloy Martínez, pourrait bien l’être aussi pour Chávez. A l’image du tyran agonisant dans L’Automne du Patriarche, de Gabriel García Márquez, se lamentant à raison du destin des plus pauvres après sa disparition, Chávez restera encore longtemps le saint bienfaiteur, le martyr, et le rédempteur des destitués aux yeux des masses vénézuéliennes. Il parviendra probablement en effet à la sorte d’immortalité qu’il a toujours été convaincu de mériter.

Une partie de la légende nait presque invariablement du mystère qui entoure les circonstances de la mort d’un dirigeant. Une mort ordinaire, naturelle, ne s’accorde pas avec l’image de super-héro du patriarche luttant contre les ennemis de la nation. La théorie de la conspiration soulevée par Maduro selon laquelle le cancer de son mentor était la conséquence d’un empoisonnement par des « forces obscures qui voulaient s’en débarrasser » n’est pas particulièrement originale, même si cela contribue à élever les enjeux. Chávez lui-même a toujours prétendu que son idole Simón Bolívar avait été empoisonnée par ses ennemis en Colombie en 1830.

L’histoire, plus imaginée que réelle, offre à Maduro une foule d’autres exemples. Napoléon a-t-il été lentement empoisonné à l’arsenic durant son exil à Sainte-Hélène ? Lénine est-il mort de syphilis, d’un terrible accident vasculaire cérébral, ou d’un empoisonnement commandité par Staline ? Compte tenu des circonstances bizarres de la propre mort de Staline, fut-il empoisonné par le chef de sa police secrète, Lavrentiy Beria, ou peut-être par son ennemi juré, le yougoslave Josip Broz Tito ? Le « Cher Dirigeant » Kim Jong-il a-t-il souffert d’une crise cardiaque dans son lit, ou plus noblement, alors qu’il voyageait en train, œuvrant pour le bien être de son peuple bien aimé ? Les allégations d’empoisonnement par les diaboliques impérialistes sont, bien sûr, un trait caractéristique de l’histoire officielle de la mort de Kim.

Maduro lui-même avait invoqué une rumeur selon laquelle les Israéliens auraient empoisonné l’ancien président Palestinien Yasser Arafat. Il aurait pu également faire référence à l’égyptien Gamal Abdel Nasser, foudroyé par une crise cardiaque en 1970; le confident de Nasser, le journaliste Mohamed Hassanein Heikal, a toujours maintenu que le président avait été empoisonné par son adjoint et successeur, Anwar El Sadat.

La légende Chavez survivra peut-être, mais le Chavisme non, car ce n’est pas à proprement parler une doctrine, mais plutôt un sentiment fondé sur un rejet du vieil ordre politique et l’invention d’ennemis. Il manque de fondations solides, comme celles du Péronisme, un mouvement inclusif qui reposait sur une classe ouvrière traditionnellement bien organisée et une bourgeoisie nationaliste. Le Chávisme, en dehors de son rattachement à un chef charismatique, ne s’est jamais résumé à autre chose qu’à un programme social raccordé à un filon pétrolier.

Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats

Copyright Project Syndicate

Shlomo Ben Ami, ancien ministre israélien des Affaires Etrangères, est aujourd’hui vice-président du Centre International pour la Paix de Tolède. Il est l’auteur de Scars of War, Wounds of Peace: The Israeli-Arab Tragedy (Cicatrices de guerres, blessures de paix : le conflit israélo-palestinien, ndt).

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Otoño de los patriarcas

Hugo Chávez
Hugo Chávez. Photo: Valter Campanato/ABr/Wikimedia Commons.

MADRID – “¡Que difícil es morir!”, cuentan que exclamó Francisco Franco en su lecho de muerte. Parece que la muerte resulta particularmente difícil a los autócratas, hasta cuando logran morir de causas naturales.

La agonía de un dictador es siempre una forma de teatro, en la que aparecen unas masas alborozadas, posibles sucesores que luchan por la supervivencia política y, entre bastidores, la camarilla del dictador empeñada en mantener la vida de su patriarca hasta que pueda asegurar sus privilegios. El yerno de Franco, que era también el médico de la familia, mantuvo al déspota agonizante con vida mediante  aparatos durante más de un mes.

No está del todo claro cuánto tiempo estuvo realmente muerto el venezolano Hugo Chávez antes de que se anunciara oficialmente su fallecimiento. Para ganar tiempo a fin de asegurar su futuro político, los funcionarios venezolanos dirigieron cuidadosamente la representación de la enfermedad y la posterior muerte de Chávez, sugiriendo incluso cerca del final, mientras recibía tratamientos contra su complejo cáncer terminal, que seguía “caminando y haciendo ejercicio”. El vacío informativo recordó al secretismo que rodeó las muertes de Stalin y Mao y la costumbre en el imperio Otomano de mantener secreta durante semanas la muerte del sultán hasta que se hubiera decidido su sucesión.

La manipulación emocional de la puesta en escena que rodeó la muerte de Chávez parece haberse plasmado con seguridad en el apoyo electoral para su gris sucesor, Nicolás Maduro, pero, ¿bastará para crear un linaje chavista?

En la Argentina, pese al desastre del regreso de Juan Domingo Perón en 1973, tras un exilio de dieciocho años, el peronismo se reencarnó en la presidencia de Carlos Saúl Menem en el decenio de 1980 y de nuevo con la llegada del Presidente Néstor Kirchner y, posteriormente, de su esposa, la Presidenta actual, Cristina Fernández de Kirchner. Los melodramáticos discursos de Fernández son un intento transparente de elevar a su difunto esposo a los altares, así como Perón elevó a su esposa, Evita, a la santidad. Al tomar posesión de su cargo, juró lealtad no sólo a la Constitución, sino también a “Él” (Kirchner).

A diferencia de los simples mortales, los dictadores tienen una buena oportunidad de gozar de vida después de la muerte. En el antiguo Egipto, lo faraones fallecidos eran embalsamados y deificados. Después de Augusto, el primer princeps romano, el Senado podía votar la condición divina de los emperadores fallecidos. Semejante apoteosis servía, naturalmente, a los intereses políticos de los sucesores del emperador, que podían alegar un linaje divino y al tiempo aspirar a ser elevados a la condición divina, a su vez.

Chávez sobresalió en la ridiculización de sus enemigos políticos, pero era demasiado narcisista para aproximarse al fin con el tipo de humor que, según Suetonio, inspiró al emperador Vaspasiano la broma en su lecho de muerte: “¡Madre mía! Debo de estar convirtiéndome en Dios”. La grotesca idea de embalsamar el cadáver de Chávez fue desechada al final precisamente por el deterioro que había sufrido durante su exposición ante las masas en una caótica operación de manipulación política.

Un dios, desde luego que no, pero un santo, tal vez. De hecho, lo que fue bueno para “Santa Evita”, como el escritor argentino Tomás Eloy Martínez la llamó, podría serlo para Chávez. Como el tirano agonizante en El otoño del patriarca de Gabriel García Márquez, que hipócritamente lamentaba el destino de los pobres después de su fallecimiento, Chávez seguirá siendo durante años el santo benefactor, mártir y redentor de los indigentes para la masas venezolanas. De hecho, es probable que alcance el tipo de inmortalidad que siempre creyó merecer.

Parte de la leyenda es casi invariablemente el misterio que rodea las circunstancias de la muerte del caudillo. Una muerte corriente, natural, no concuerda con la imagen de superhéroe del patriarca que lucha contra los enemigos de la nación. La teoría conspiratoria de Maduro de que el cáncer de su mentor fue consecuencia de un envenenamiento por “las fuerzas obscuras que querían eliminarlo” no es particularmente original, aunque, desde luego, eleva el listón. El propio Chávez sostuvo que su ídolo, Simón Bolívar, fue envenenado por sus enemigos en Colombia en 1830.

La Historia, más imaginaria que real, ofrece a Maduro decenas de otros ejemplos. ¿Fue Napoleón envenenado lentamente con arsénico durante su exilio en Santa Helena? ¿Murió Lenin de sífilis, de un derrame cerebral o envenenado por Stalin? Dadas las extrañas circunstancias de la muerte de Stalin, ¿fue envenenado por el jefe de su policía secreta, Laurentiy Beria, o tal vez por su archienemigo, Josip Broz Tito de Yugoslavia? ¿Sufrió el “Amado Caudillo” Kim Jong-il un ataque al corazón en la cama o, más noblemente, en un viaje en tren, mientras trabajaba por su amado pueblo? Las acusaciones de envenenamiento por los malvados imperialistas son, naturalmente, un elemento de la historia oficial de la muerte de Kim.

El propio Maduro invocó el rumor de que los israelíes envenenaron al ex Presidente palestino Yaser Arafat. Igual podría haberse referido a Gamal Abdel Nasser, quien cayó muerto de un ataque al corazón en 1970; el confidente de Nasser, el periodista Mohamed Hassanein Heikal, siempre sostuvo que el Presidente había sido envenenado por su Vicepresidente y sucesor, Anwar El Sadat.

Aunque la leyenda de Chávez puede sobrevivir, el chavismo probablemente no, pues no es una doctrina de verdad, sino un sentimiento basado en el rechazo del antiguo orden político y la invención de los enemigos. Carece de los sólidos fundamentos del peronismo, pongamos por caso, movimiento integrador que se basaba en una clase obrera tradicionalmente bien organizada y una burguesía nacionalista. El chavismo, aparte de su dependencia del caudillaje carismático, nunca ha sido otra cosa que un programa social combinado con un auge del petróleo.

Traducido del inglés por Carlos Manzano.

Copyright Project Syndicate


Shlomo Ben Ami, ex ministro de Asuntos Exteriores de Israel y actual Vicepresidente del Centro Internacional por la Paz de Toledo, es autor de Scars of War, Wounds of Peace: The Israel-Arab Tragedy (“Cicatrices de guerra y  heridas de paz. La tragedia árabo-israelí”).

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