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Des démocraties insatisfaites

Yo Soy 132, courtesy of Micheal Fleshman /flickr

MEXICO – En 2011 et 2012, des dizaines de milliers d’étudiants ont manifesté à Santiago du Chili pour exiger un meilleur accès aux études supérieures. Plus tôt cette année, des centaines de milliers de Brésiliens ont défilé à São Paulo, Rio de Janeiro, et Belo Horizonte, pour demander de meilleurs services de santé, de meilleures écoles, et des transports publics moins chers et plus efficaces. Et les Colombiens et les Péruviens, tous milieux sociaux confondus (surtout les paysans, les propriétaires fermiers et les mineurs), ainsi que les enseignants mexicains, occupent aujourd’hui les centres-villes de Bogotá, Lima, et Mexico, perturbant le quotidien des habitants et créant de sérieux problèmes pour les autorités.

Ces pays, en leur temps modèles d’espoir économique et de promesse démocratique en Amérique Latine, sont devenus des exemples de démocraties sans légitimité ni crédibilité. Ils ont obtenu des avancées sociales substantielles ces dernières années, mais ils sont aujourd’hui des centres de soulèvements populaires. Et leurs présidents, en dépit de leur indéniable compétence, voient leurs courbes de popularité s’effondrer.

Ces paradoxes sont à la fois inquiétants et révélateurs. Ils reflètent tout d’abord un problème de croissance économique. L’économie du Chili se comporte bien depuis deux ans, en dépit de la faiblesse du prix du cuivre dans le monde ; mais son taux de croissance annuel est loin d’être celui des 25 dernières années. Le baume économique appliqué sur les vieilles blessures sociales et culturelles perd de son efficacité.

De même, l’économie brésilienne est demeurée relativement résiliente après la récession de 2009, mais la croissance a été pratiquement nulle au cours de l’année passée. En 2012, le taux de croissance de la Colombie, et même celui du Pérou – qui reste l’économie d’Amérique Latine la plus performante depuis 2000 – a aussi considérablement baissé. Et le Mexique, la moins performante de ces cinq économies au cours des 15 dernières années, s’est surpassé ; sa croissance devrait à peine atteindre 1% cette année.

Dans le même temps, ces pays se sont dotés des institutions politiques et judiciaires nécessaires à la consolidation de leur transition démocratique – du Brésil au milieu des années 80 jusqu’au Mexique en 2000 – mais ces institutions sont devenues (et dans certains cas, l’ont toujours été) remarquablement isolées des réalités du peuple. Ces manifestations ont donc pris de court les présidents pourtant apparemment réactifs de ces différents pays.

En effet, le colombien Juan Manuel Santos Calderón et la brésilienne Dilma Rousseff – tous deux politiciens aguerris et habiles – ont totalement été pris au dépourvu par ces mouvements de protestation dans leur pays. De même, Enrique Peña Nieto au Mexique et Ollanta Humala au Pérou, qui semblent par ailleurs être des dirigeants perspicaces, n’ont pas vu l’orage venir.

Comme l’exprime l’économiste et homme politique chilien Carlos Ominami : « Les enfants de la démocratie sont devenus les artisans du changement ; le mouvement social qu’ils représentent n’a pas de chef politique, et les forces politiques du pays ont pratiquement rompu tout lien avec le monde social. »

Cette année, le Chili va vivre sa sixième élection démocratique consécutive, et deux femmes – l’ancienne ministre du Travail, Evelyn Matthei et l’ancienne présidente de centre-gauche, Michelle Bachelet (toutes deux filles d’officiers militaires haut-gradés) – sont en tête dans les sondages. Quel que soit le vainqueur, il devra choisir une profonde transformation des institutions chiliennes à moins de voir ces soulèvements populaires échapper à tout contrôle.

Le Brésil est confronté à un dilemme similaire ; la coupe du monde de football l’année prochaine et les jeux olympiques d’été en 2016 mettront à l’épreuve la résilience et l’adaptabilité des cadres sociaux et macroéconomiques qui ont contribué au développement du pays depuis près de vingt ans. Bien sûr, les programmes pro-actifs anti-pauvreté, le desserrement du crédit, un boom économique fondé sur l’exportation des matières premières, et d’importants investissements publics (financés par une fiscalité tout aussi lourde) ont contribué à un recul sensible de la pauvreté. Mais les attentes de la classe moyenne émergeante – infrastructures plus efficaces, éducation et services de santé de qualité, et des emplois bien rémunérés – n’ont pas été entendues. S’ils ne sont pas en mesure d’accéder à ces nouveaux stades luxueux pour voir jouer leur équipe nationale, ils ne seront pas satisfaits.

Et même si le Mexique connait une croissance démographique rapide et une amélioration significative des niveaux de vie depuis 15 ans, beaucoup estiment qu’ils ne reçoivent pas ce à quoi ils ont droit – ou ce qui leur avait été promis. Les enseignants sont furieux d’être pointés du doigt pour la faiblesse du système éducatif du pays et voient dans la loi de « réforme de l’éducation » de Peña Nieto une excuse pour étouffer le pouvoir de leurs syndicats tout en évitant une réelle réforme institutionnelle.

La classe moyenne de la ville de Mexico – qui exerce une influence disproportionnée sur le pays – est aussi outrée, à la fois par le mouvement des enseignants qui perturbe leur quotidien et par les autorités fédérales et locales qui ne parviennent pas à restaurer l’ordre. Dans ce contexte, la crédibilité des institutions politiques mexicaines s’effrite rapidement.

Mais il y a un problème plus fondamental en jeu, et qui émane des imperfections accumulées de la démocratie représentative dans des pays où les conditions sociales et économiques sont loin d’être idéales. Tant que l’excitation post-autoritariste était de mise et que la croissance économique rapide, ces imperfections étaient gérables ; aujourd’hui, avec l’érosion de la première, et en l’absence de la seconde, elles constituent de considérables défis.

Ce problème transcende l’Amérique Latine. Ainsi que certains observateurs comme Joshua Kurlantzick l’ont constaté, il semble que l’on assiste globalement à un éloignement du modèle de gouvernement représentatif, une tendance menée par des classes moyennes de plus en plus désenchantées. Pour les dirigeants élus, le dilemme réside dans le fait qu’il n’existe pas de solutions simples – et que les opinions publiques ont de moins en moins de patience pour les solutions complexes.

Copyright Project Syndicate


Jorge G. Castañeda, ancien ministre mexicain des Affaires (2000-2003), enseigne les sciences politiques et les affaires latino-américaines et caribéennes à la New York University.


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ديمقراطيات ساخطة

Yo Soy 132, courtesy of Micheal Fleshman /flickr

مكسيكو سيتي ــ في عام 2011 ثم في عام 2012، تظاهر عشرات الآلاف من الطلاب في سانتياجو بدولة شيلي، للمطالبة بالمزيد من القدرة على الوصول إلى التعليم العالي. وفي وقت سابق من هذا العام، خرج مئات الآلاف من البرازيليين في مسيرات في ساو باولو، وريو دي جانيرو، وبيلو هوريزونتي، للمطالبة بتحسين خدمات الصحة العامة والمدارس وتوفير وسائل نقل عامة أرخص وأكثر كفاءة. والآن خرج الكولومبيون وأهل بيرو من مختلف الطوائف (وخاصة من الفلاحين وأصحاب المزارع وعمال المناجم)، فضلاً عن معلمي المدارس في المكسيك، لكي يحتلوا المراكز في بوجوتا وليما ومكسيكو سيتي، لتتعطل الحياة اليومية للسكان وتنشأ مشاكل خطيرة تقض مضاجع السلطات.

والواقع أن هذه البلدان، التي كانت ذات يوم نموذجاً للأمل الاقتصادي والوعد الديمقراطي في أميركا اللاتينية، أصبحت نماذج لديمقراطيات تفتقر إلى الشرعية أو المصداقية. وبرغم أنها أحرزت تقدماً اجتماعياً كبيراً في الأعوام الأخيرة، فإن هذه البلدان تحولت إلى مراكز للاضطرابات الشعبية. ويراقب رؤساء هذه البلدان الآن مستويات شعبيتهم وهي تتهاوى، على الرغم من كفاءتهم التي لا ينكرها أحد.

والواقع أن هذه المفارقات محيرة وكاشفة في آن واحد. فهي بادئ ذي بدء تعكس مشكلة النمو الاقتصادي. كان أداء الاقتصاد في شيلي جيداً على مدى العامين الماضيين، على الرغم من انخفاض أسعار النحاس العالمية؛ ولكن معدل نموها السنوي بعيد تماماً عن نظيره في السنوات الخمس والعشرين الماضية. والآن بدأ الـمُسَكِّن الاقتصادي الذي استخدم لتضميد الجراح الاجتماعية والثقافية القديمة يفقد مفعوله.

على نحو مماثل، وفي حين ظل اقتصاد البرازيل صامداً نسبياً بعد ركود عام 2009، فإن النمو تباطأ إلى الصفر تقريباً في العام الماضي. كما هبطت بشكل حاد أيضاً معدلات النمو في العام الماضي في كولومبيا بل وحتى بيرو، التي كان أداؤها أفضل من أي دولة أخرى في أميركا اللاتينية منذ عام 2000. أما المكسيك، التي كانت الأسوأ أداءً بين الاقتصادات الخمس على مدى السنوات الخمس عشرة الماضية، فقد تفوقت على نفسها في سوء الأداء؛ حيث من المتوقع ألا يتجاوز النمو هذا العام 1%.

من ناحية أخرى، ورغم تمكن كل هذه البلدان من بناء المؤسسات السياسية والقضائية اللازمة لتعزيز عملية الانتقال إلى الديمقراطية ــ من البرازيل في منتصف ثمانينيات القرن الماضي إلى المكسيك في العقد الأول من القرن الحالي ــ فإن هذه المؤسسات أصبحت (وفي بعض الحالات كانت كذلك منذ البداية) منعزلة إلى حد مذهل عن المطالب الشعبية. ونتيجة لهذا فإن الاحتجاجات كانت مباغتة تماماً بالنسبة لرؤساء هذه البلدان المتجاوبين ظاهريا.

والواقع أن رئيس كولومبيا خوان مانويل سانتوس كالديرون ورئيسة البرازيل ديلما روسوف ــ وكلاهما يتمتع بمهارات وخبرات سياسية رفيعة المستوى ــ أخذتهما الاحتجاجات في بلديهما على حين غرة تماما. وعلى نحو مماثل، فشل إنريكي بينيا نييتو في المكسيك وأولانتا هومالا في بيرو في استشعار العاصفة المتجمعة برغم ما يتمتعان به من حسن إدراك كزعيمين.

وعلى حد تعبير الخبير الاقتصادي والسياسي الشيلي كارلوس أومينامي: “فقد أصبح أبناء الديمقراطية المحركين الرئيسيين للتغيير؛ ولكن الحركة الاجتماعية التي يمثلونها تفتقر إلى الزعامة السياسية، والقوى السياسية في البلاد قطعت عملياً كل صلاتها بالعالم الاجتماعي”.

هذا العام، سوف تعقد شيلي سادس انتخابات ديمقراطية على التوالي، حيث تمكنت سيدتان ــ وزيرة العمل السابقة إيفيلين ماتاي والرئيسية السابقة من يسار الوسط ميشيل باشليه (وكل منهما ابنة ضابط عسكري رفيع المستوى) ــ من تصدر استطلاعات الرأي حاليا. وأياً كان الفائز فسوف يضطر إلى الاختيار بين التحويل العميق للمؤسسات في شيلي أو السماح للاضطرابات الاجتماعية في البلاد بالخروج عن السيطرة.

وتواجه البرازيل تجربة مماثلة، حيث تمثل كأس العالم لكرة القدم في العام المقبل والألعاب الأوليمبية الصيفية في عام 2016 اختباراً لقدرة الأطر الاجتماعية وأنظمة الاقتصاد الكلي التي شكلت التنمية في البلاد على مدى عقدين من الزمان تقريباً على الصمود والتكيف. لا شك أن برامج مكافحة الفقر الاستباقية والقيود الائتمانية المخففة، وطفرة تصدير السلع الأساسية، والإنفاق الحكومي الضخم (الممول من خلال أعباء ضريبية ضخمة بنفس القدر)، أسهمت في انتشال الملايين من براثن الفقر. ولكن توقعات الطبقة المتوسطة الناشئة ــ بما في ذلك البنية الأساسية الفعّالة والتعليم والخدمات الصحية العالية الجودة، والوظائف المجزية ــ لم تتحقق. وإذا لم يكن بوسعهم حتى أن يدخلوا إلى الملاعب الجديدة الفاخرة لرؤية منتخبهم الوطني وهو يلعب، فلن يكونوا سعداء على الإطلاق.

على نحو مماثل، وبرغم النمو السكاني السريع الذي شهدته المكسيك وتحسن مستويات المعيشة بشكل كبير هناك على مدى الأعوام الخمسة عشر الماضية، فإن كثيرون يعتقدون أنهم لا يحصلون على يستحقون ــ أو ما وُعِدوا به. فالمعلمون غاضبون لتحمليهم المسؤولية عن الحالة البائسة التي أصبح عليها نظام التعليم في البلاد وينظرون إلى قانون “إصلاح التعليم” الذي أقره بينيا نييتو باعتباره مجرد ذريعة للحد من قوة نقابتهم، وتجنب الإصلاح المؤسسي الحقيقي.

ويشعر السكان من أهل الطبقة المتوسطية في مكسيكو سيتي ــ الذين مارسوا نفوذاً غير متناسب في مختلف أنحاء البلاد ــ بالغضب الشديد أيضا، إزاء المعلمين الذين عطلوا حياتهم وإزاء السلطات الفيدرالية والمحلية نتيجة لفشلها في استعادة النظام. وعلى هذه الخلفية، تتآكل مصداقية المؤسسات السياسية في المكسيك بسرعة.

ولكن هناك قضية أكثر جوهرية وتنبع من العيوب المتراكمة التي تتسم بها الديمقراطية التمثيلية في البلدان حيث الظروف الاجتماعية والاقتصادية أقل من مثالية. فعندما كان الحماس متوفراً في مرحلة ما بعد الحكم الاستبدادي وكانت الغَلَبة للنمو الاقتصادي، كانت إدارة مثل هذه العيوب في حكم الإمكان؛ أما الآن وبعد خفوت الحماس وتحول النمو الاقتصادي إلى ذكرى، تحولت هذه العيوب إلى تحديات هائلة.

الحق أن هذه المشكلة تتخطى حدود أميركا اللاتينية. وكما أشار مراقبون مثل جوشوا كورلانتزيك فإن التحول العالمي بعيداً عن الحكم التمثيلي، والذي تحركه طبقات متوسطية متزايدة الإحباط، قادم لا محالة. وبالنسبة للزعماء المنتخبين، تكمن المعضلة في عدم وجود حلول بسيطة ــ وقلة صبر العامة على الحلول الأكثر تعقيدا.

ترجمة: أمين علي Translated by: Amin Ali

Copyright Project Syndicate


خورخي كاستانيدا وزير خارجية المكسيك الأسبق (2000-2003)، وأستاذ العلوم السياسية ودراسات أميركا اللاتينية ومنطقة الكاريبي في جامعة نيويورك.


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Regional Stability

Disgruntled Democracies

Yo Soy 132, courtesy of Micheal Fleshman /flickr

MEXICO CITY – In 2011 and 2012, tens of thousands of students demonstrated in Santiago, Chile, demanding greater access to higher education. Earlier this year, hundreds of thousands of Brazilians marched in São Paulo, Rio de Janeiro, and Belo Horizonte, calling for improved public-health services, better schools, and cheaper, more efficient public transport. And Colombians and Peruvians from all walks of life (especially peasants, farm owners, and mineworkers), as well as Mexican school teachers, now occupy the centers of Bogotá, Lima, and Mexico City, disrupting inhabitants’ daily lives and creating serious problems for the authorities.

These countries, once models of economic hope and democratic promise in Latin America, have become examples of democracies without legitimacy or credibility. Although they have made significant social progress in recent years, they have become centers of popular unrest. And their presidents, despite their undeniable competence, are watching their approval ratings plummet.

Democracias decepcionadas

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CIUDAD DE MÉXICO – En 2011 y 2012, decenas de miles de estudiantes organizaron protestas en Santiago, Chile, para exigir un mayor acceso a la educación superior. Hace unos meses, cientos de miles de brasileños marcharon en San Pablo, Río de Janeiro y Belo Horizonte, para reclamar por mejores servicios de salud pública, mejores escuelas y un transporte público más económico y más eficiente. Y colombianos y peruanos de todos los sectores (especialmente campesinos, dueños de granjas y mineros), así como maestros de escuela mexicanos, hoy copan los centros de Bogotá, Lima y Ciudad de México, alterando la vida diaria de los habitantes y creando graves problemas para las autoridades.

Estos países, alguna vez modelos de esperanza económica y promesa democrática en América Latina, se han convertido en ejemplos de democracias sin legitimidad o credibilidad. Si bien han hecho un progreso social significativo en los últimos años, se han transformado en centros de malestar popular. Y sus presidentes, a pesar de su innegable competencia, están viendo cómo sus índices de aprobación se desmoronan.

Estas paradojas son perplejas y a la vez reveladoras. Por empezar, reflejan un problema de crecimiento económico. La economía de Chile ha tenido un buen desempeño en los últimos dos años, a pesar de los bajos precios mundiales del cobre; pero su tasa anual de crecimiento no está ni cerca de la de los 25 años anteriores. El bálsamo económico aplicado a viejas heridas sociales y culturales está perdiendo su efectividad.

De la misma manera, si bien la economía de Brasil mantuvo una relativa resiliencia después de la recesión de 2009, el crecimiento se desaceleró casi a cero el año pasado. Las tasas de crecimiento en 2012 en Colombia y hasta en Perú, que tuvo un desempeño mejor que el de cualquier otro país latinoamericano desde 2000, también cayeron significativamente. Y México, con el peor desempeño de las cinco economías en los últimos 15 años, se superó a sí mismo; este año, se espera que el crecimiento alcance apenas el 1%, en el mejor de los casos.

Al mismo tiempo, mientras que todos estos países edificaron las instituciones políticas y judiciales necesarias para consolidar sus transiciones a la democracia –desde Brasil a mediados de los años 1980 hasta México en los años 2000-, estas instituciones han pasado a estar (y en algunos casos siempre lo han estado) considerablemente aisladas de las demandas populares. En consecuencia, las protestas tomaron a los presidentes aparentemente receptivos de estos países por sorpresa.

De hecho, Juan Manuel Santos Calderón de Colombia y Dilma Rousseff de Brasil –dos políticos calificados y experimentados- no estaban en absoluto preparados para las protestas de sus países. De la misma manera, Enrique Peña Nieto de México y Ollanta Humala de Perú, que siempre parecieron ser líderes perceptivos, no vieron la tormenta que se estaba gestando.

Como dijo el economista y político chileno Carlos Ominami: “Los hijos de la democracia se han convertido en los principales generadores del cambio; el movimiento social que representan carece de liderazgo político, y las fuerzas políticas del país prácticamente han roto todas sus conexiones con el mundo social”.

Este año, Chile llevará a cabo su sexta elección democrática consecutiva y dos mujeres –la ex ministra de Trabajo Evelyn Matthei y la ex presidenta de centroizquierda Michelle Bachelet (ambas hijas de oficiales militares de alto rango)- hoy lideran las encuestas. Quien gane tendrá que optar entre transformar profundamente las instituciones de Chile o permitir que el malestar social se desmadre.

Brasil enfrenta una prueba similar, ya que la Copa Mundial de fútbol del año próximo y los Juegos Olímpicos del 2016 ponen a prueba la resiliencia y la adaptabilidad de los marcos sociales y macroeconómicos que han impulsado el desarrollo del país durante casi dos décadas. Con certeza, los programas proactivos contra la pobreza, la facilidad para obtener crédito, un auge de las exportaciones de materias primas y un elevado gasto público (financiado por una carga impositiva igualmente pesada) sacaron a millones de habitantes de la pobreza. Pero las expectativas de la clase media emergente –que incluyen una infraestructura eficiente, una educación y servicios de salud de alta calidad y empleos bien pagos- no se cumplieron. Si ni siquiera van a poder entrar a los lujosos estadios nuevos para ver jugar a su selección nacional, no van a estar contentos.

En el mismo sentido, si bien México ha experimentado un rápido crecimiento demográfico y mejoras significativas del nivel de vida en los últimos 15 años, muchos creen que no están recibiendo lo que merecen –o lo que les prometieron-. Los maestros están furiosos porque les endilgan el estado precario del sistema educativo del país y consideran la ley de “reforma educativa” de Peña Nieto como una excusa para limitar el poder de los sindicatos evitando, a la vez, una genuina reforma institucional.

Los residentes de clase media de Ciudad de México –que ejercen una influencia desproporcionada en todo el país- también están enfurecidos, tanto con los maestros por afectar su vida cotidiana como con las autoridades federales y locales por no saber restablecer el orden. En este marco, la credibilidad de las instituciones políticas de México se está erosionando rápidamente.

Sin embargo, existe una cuestión más fundamental en juego que surge de las imperfecciones acumuladas de la democracia representativa en países donde las condiciones sociales y económicas son menos que ideales. Cuando reinaba la excitación post-autoritaria y prevalecía el rápido crecimiento económico, estas imperfecciones eran manejables; ahora, cuando la excitación se desvanece y el crecimiento económico es un recuerdo, se han convertido en inmensos desafíos.

Este problema trasciende América Latina. Como señalaron observadores como Joshua Kurlantzick, un alejamiento global de un gobierno representativo, motivado por clases medias cada vez más desilusionadas, está en proceso. Para los líderes electos, el dilema es que no existen soluciones sencillas –y muy poca paciencia pública para otras más complejas.

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Jorge G. Castañeda, ex ministro de Relaciones Exteriores de México (2000-2003), es profesor de Política y Estudios sobre Latinoamérica y el Caribe en la Universidad de Nueva York.


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Quatre moments clés sur le cannabis

L’Amérique latine et les États-Unis ont connu ce que l’on pourrait appeler une série de « moments clés sur le cannabis » au cours des dernières semaines. Etant donné le soutien croissant dans la lutte pour mettre fin à des décennies absurdes et sanglantes de « guerre contre la drogue », ces avancées vers la décriminalisation et la légalisation méritent d’être relevées.

Le premier moment a eu lieu lors de l’Assemblée Générale du sommet annuel de l’Organisation des États Américains (OEA), qui s’est tenu à Antigua au Guatemala début juin 2013. Le Secrétaire général de l’OEA, José Miguel Insulza, a présenté un rapport intitulé « Le problème de la drogue aux Amériques », en réponse à la demande des chefs d’Etat de la région lors du sommet des Amériques à Carthagène en Colombie l’année dernière.

Le rapport a été rédigé par des experts de presque tous les États membres de l’OEA et a été divisé en deux parties : une excellente partie analytique et un chapitre bref et assez exaspérant consacré à des comptes rendus prospectifs. Le document lui-même représente un tournant décisif, qui fournit les éléments nécessaires à une discussion scientifique et empirique sur une question trop souvent abordée en des termes idéologiques.

Le rapport analyse le problème de manière convaincante : par pays (producteurs, de transit, consommateurs, ou ceux qui sont tout cela à la fois) ; par substances (cannabis, cocaïne, héroïne et drogues de synthèse) ; par liens entre ces substances illicites ; et enfin par les conséquences de la consommation, de la production ou du commerce de chaque drogue pour les sociétés, les institutions et les relations internationales. Le rapport indique aussi explicitement que la dépénalisation de la consommation du cannabis est une option légitime, raisonnable et réalisable, même si elle ne recommande pas une telle politique. Ce n’est qu’une première étape, mais elle est considérable.

Le deuxième « moment clé sur le cannabis » a eu lieu aux États-Unis, où les États de Washington et du Colorado sont entrés dans la phase finale qui consiste à légaliser pleinement l’usage du cannabis, à la suite de référendums populaires en novembre dernier. Les deux Etats viennent de terminer la rédaction et la publication de la réglementation à laquelle les résultats des référendums vont donner force de loi. Comment interdire la consommation par les mineurs ? Comment punir les consommateurs qui conduisent sous influence ? Quels impôts et quels taux d’imposition sont les plus appropriés ? Quelles peines seront infligées aux non-résidents ? Autant de questions complexes et sujettes à controverse. Comme ils font figure de pionniers sur le plan juridique aux États-Unis, les deux Etats devront procéder par essai et erreur.

Mais peut-être que l’aspect le plus intéressant et le plus intrigant de ce processus est l’éloquente indifférence du président Barack Obama pour toute cette affaire. Jusqu’à présent du moins, il a refusé d’intervenir dans le débat pour savoir si le droit fédéral doit l’emporter sur la législation d’Etat, après avoir dit avoir « d’autres chats à fouetter ».

Le troisième « moment clé sur le cannabis » découle des récentes décisions prises par les Etats les plus peuplés de New York et de l’Illinois (respectivement le troisième et le cinquième Etat les plus peuplés des Etats-Unis) de poursuivre dans la voie de la légalisation du cannabis à des fins médicales. En mai le pouvoir législatif de l’Illinois a adopté un projet de loi très contraignant sur l’utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques, sur lequel le gouverneur n’a pas encore rendu sa décision. Peu après, l’Assemblée de l’État de New York a adopté un projet de loi strict sur le cannabis médical, sur lequel le Sénat de l’État doit encore voter. Si les Etats de New York et de l’Illinois ont gain de cause, ils deviendront les 19ème et 20ème des 50 États américains, dont le District de Columbia, à autoriser l’usage médical du cannabis.

Enfin au début du mois de juin, l’ONG américaine Human Rights Watch a formellement adopté une position qui rejette la criminalisation de la possession et de la consommation de toutes les drogues et appelle à une approche radicalement différente. Plus important encore, HRW adopte cette position dans une perspective des Droits de l’Homme et sa déclaration mérite d’être citée :

« Le fait de soumettre des personnes à des sanctions pénales pour usage personnel de drogues, ou pour possession de drogues pour leur usage personnel, contrevient à leur autonomie et à leur droit au respect de la vie privée. Le droit à la vie privée est largement reconnu par le Droit international, notamment par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et par la Convention américaine des Droits de l’Homme. Des limitations de l’autonomie et de la vie privée ne peuvent être justifiées que si elles répondent aux critères de restriction d’un droit fondamental, à savoir le but légitime, la proportionnalité, la nécessité et la non-discrimination. Tandis que la protection de la santé est un but légitime du gouvernement, la criminalisation de l’usage de drogue pour empêcher les personnes de se causer du tort à elles-mêmes ne répond pas aux critères de nécessité ni de proportionnalité. »

Aucune de ces récentes avancées ne conduira à elle seule à la décriminalisation. Les conventions internationales continuent de limiter la marge de manœuvre des gouvernements et le gouvernement américain reste opposé à tout retour en arrière sur la stratégie punitive et prohibitionniste menée depuis 1981. Même les gouvernements latino-américains les plus audacieux (en particulier ceux de la Colombie, de l’Uruguay et du Guatemala) hésitent à s’engager davantage, surtout s’ils restent isolés.

Et des présidents comme Dilma Rousseff au Brésil, Enrique Peña Nieto au Mexique et Cristina Fernández de Kirchner en Argentine s’en tiennent à leur position orthodoxe, conservatrice et anachronique, qui consiste à ne pas bouger jusqu’à ce que l’opinion publique ne leur laisse pas d’autre choix. Pourtant quelque chose agite l’hémisphère : si des « moments clés sur le cannabis » devaient se produire plus fréquemment, alors une étape importante pourrait être à portée de main.

Traduit de l’anglais par Stéphan Garnier.

Jorge G. Castañeda, ancien ministre des Affaires étrangères du Mexique (2000-2003) est professeur en Sciences politiques et aux Etudes d’Amérique latine et des Caraïbes à l’Université de New York.

This article was originally published by Project Syndicate. It is republished here with their generous permission.


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Refocusing US-Mexico Security Cooperation
Don’t Try This at Home: Lessons from America’s War on Drugs
Global Drug Policy is Ripe for Reform


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