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La montée en puissance du Hamas

Northern Gaza Strip November 15, 2012
Northern Gaza Strip November 15, 2012. Photo: marsmet543/flickr.

GAZA – Le statut régional du Hamas, le mouvement de résistance palestinien qui gouverne la bande de Gaza depuis 2007, est sorti nettement renforcé du dernier affrontement avec Israël. Dans le même temps, le mouvement est confronté à de nouvelles questions concernant sa capacité à tirer parti des occasions diplomatiques qui s’offre à lui.

La réponse musclée du Hamas à l’opération militaire menée par Israël contre la bande de Gaza en novembre dernier, comprenant des tirs de rockets sur les environs de Tel Aviv et de Jérusalem, a démontré qu’il n’entendait en rien renoncer à sa détermination. Et à la suite de la confrontation armée de huit jours, le chef en exil du Hamas, Khaled Mechaal, qui n’avait jamais auparavant osé se montrer ouvertement aux autorités israéliennes, est entré à Gaza depuis la frontière avec l’Égypte. Accueilli triomphalement dans les rues de Gaza, il a renforcé l’idée – à Gaza même et ailleurs dans le monde – que le Hamas était victorieux.

Au-delà de Gaza, l’émergence de l’islam politique dans les pays du printemps arabe, en particulier en Égypte et en Tunisie, a créé un environnement plus favorable au Hamas. En particulier, les négociations menées au Caire et qui ont permis de conclure un cessez-le-feu avec Israël, comprenaient des contacts diplomatiques de haut niveau entre l’Égypte et le Hamas – un revirement complet par rapport à la position ouvertement anti-Hamas de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak.

Des visites de l’émir du Qatar et du ministre turc des Affaires étrangères, et d’autres dirigeants régionaux, à Gaza ont de surcroît conforté le nouveau statut du Hamas. Soutenir le Hamas  permet aujourd’hui aux politiciens de la région d’asseoir leur crédibilité localement et de récolter des donations importantes de la part de pays arabes et musulmans pour financer la reconstruction de Gaza.

Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, qui défend les négociations de paix avec Israël et désavoue la lutte armée, est par contre plus isolé que jamais, malgré le succès qu’il a remporté aux Nations unies en obtenant que la Palestine devienne un État observateur non-membre, quelques jours seulement après la fin des affrontements à Gaza. Le Hamas a tout d’abord réagi avec scepticisme à la démarche d’Abbas, pour finalement la soutenir après le cessez-le-feu, en espérant qu’il pourrait tirer parti du nouveau statut de la Palestine.

Mais des événements récents, ainsi que le déclin des moyens financiers de l’Autorité palestinienne, ont nuit à la crédibilité d’Abbas auprès des Palestiniens qui le voient de plus en plus comme un homme acculé. L’annonce par Israël de nouvelles implantations à Jérusalem-Est a encore affaibli sa position. En fait, son mandat arrive à sa fin. La seule question est de savoir qui le remplacera.

Dans l’intervalle, le Hamas tente de convertir sa popularité croissante en gains électoraux. Lors des élections municipales d’octobre dernier en Cisjordanie – les premières en six ans – le Fatah, un parti majoritairement laïc, l’a techniquement emporté, mais la participation de 55 pour cent des électeurs seulement, après un appel au boycott du Hamas, montre que le Fatah perd le soutien de la population. Le Hamas est aujourd’hui largement perçu comme le véritable représentant des ambitions nationales palestiniennes et il est de son côté déterminé à rallier les Palestiniens à son étendard.

Mais le Hamas peut-il trouver une base de discussions avec Israël ? S’il n’a pas renoncé à sa vocation de résistance, il a au cours des années modéré sa position concernant le conflit israélo-palestinien. En fait, les dirigeants du Hamas se sont exprimés en faveur d’un État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Ce glissement progressif, combiné à l’approbation de la démarche diplomatique d’Abbas aux Nations unies, laisse à penser que le Hamas n’envisage plus une victoire militaire sur Israël comme une possibilité. Les dirigeants israéliens et palestiniens vont devoir surmonter leurs divergences et trouver un terrain d’entente diplomatique.

Les signes de cette nouvelle approche du Hamas sont de plus en plus perceptibles. Même si Mechaal s’est exprimé en faveur de la ligne dure dans son discours à Gaza, en privé, il a fait savoir qu’il était prêt à accepter un État palestinien basé sur les frontières de 1967. Mechaal a même indiqué que si Israël reconsidérait sa position concernant l’Initiative de paix arabe de 2002 – qui appelle le monde arabe à reconnaître le droit à l’existence d’Israël en échange de son retrait total des Territoires occupés – le Hamas en ferait autant.

Mais bien que Mechaal ait accepté l’idée de futures négociations avec l’État hébreu, il maintient que le moment n’est pas opportun. Le Hamas est convaincu qu’Israël ne comprend que le langage de la force et de la puissance, et il ne négociera pas avec les Israéliens tant que ceux-ci n’acceptent pas la pérennité des demandes palestiniennes.

Israël commence peut-être à le comprendre. En fait, la dernière confrontation a amené certains politiciens israéliens, comme Giora Eiland, un conseiller de sécurité nationale de l’ancien Premier ministre Ariel Sharon, à reconnaître que le Hamas est une réalité politique qui ne peut plus être ignorée. Eiland a même conseillé au gouvernement israélien de reconnaître le gouvernement du Hamas à Gaza, de lever l’état de siège et de négocier un cessez-le-feu durable directement avec le mouvement palestinien. Mais le succès d’une telle approche dépend de la volonté d’Israël d’entamer des discussions avec le Hamas, qu’il considère toujours comme un groupe terroriste, et de la viabilité de la médiation de l’Égypte.

Dans ce contexte, Israël pourrait être soumis à des pressions croissantes de la part de son principal allié. La reconnaissance par les Etats-Unis de partis islamistes dans la région, du Ennahda en Tunisie aux Frères musulmans en Égypte, montre qu’ils ne sont plus aussi hostiles aux groupes islamistes. La question se pose également de savoir si Washington maintiendra sa politique d’isolement du Hamas.

La médiation réussie du président égyptien Mohamed Morsi entre Israël et le Hamas démontre que les islamistes peuvent être flexibles – même lorsque Israël est concerné. Les deux parties ont encore une marge de manœuvre, mais doivent disposer d’une plate-forme permettant de faire les ajustements nécessaires.

Traduit de l’anglais par Julia Gallin

Copyright Project Syndicate

Mkhaimar Abusada est professeur de sciences politiques à l’université Al-Azhar de Gaza.

For additional reading on this topic please see:

Gaza War II: Hamas’s Tough Choices

Turkey’s Role in Hamas’ Cease-fire – A Sign of Turkish Cooperation or Competition?

Sanctuary in the City? – Urban Displacement and Vulnerability in the Gaza Strip


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La stratégie électorale de l’Iran

Former US embassy Iran
The former US embassy in Tehran. Photo: Örlygur Hnefill/flickr.

WASHINGTON, DC – Les négociations relatives au programme nucléaire iranien se heurtent de nouveau à un mur, ce qui ne semble cependant pas préoccuper l’ayatollah Ali Khamenei, leader suprême du pays. En effet,  Khamenei apparaît convaincu que ni les États-Unis ni Israël n’attaquera ses installations nucléaires – du moins pas avant l’élection présidentielle américaine de novembre.

Ironiquement, bien que Khamenei ne soit pas un adepte de la démocratie, il profite du fait que ses principaux ennemis soient contraints par des considérations démocratiques. Khamenei contrôlant le programme nucléaire de l’Iran ainsi que la politique étrangère du pays, les États-Unis et Israël vont devoir travailler afin de parvenir à un consensus non seulement au sein de leur système politique respectif, mais également l’un avec l’autre.

Les dirigeants iraniens, qui suivent de très près les débats politiques israéliens, estiment qu’Israël ne saurait lancer l’assaut sur leurs installations nucléaires sans une pleine coopération de l’Amérique, dans la mesure où une intervention unilatérale menacerait les relations entretenues par Israël avec son allié stratégique le plus important. Compte tenu du fait qu’une offensive israélienne nécessiterait d’être coordonnée avec les États-Unis, tandis qu’une attaque américaine ne requerrait aucun soutien militaire israélien, l’Iran considèrerait les deux pans de cette alternative comme une attaque de la part des États-Unis.

Les leaders iraniens demeurent cependant sceptiques quant à chacun de ces deux scénarios, malgré une position officielle de l’Amérique selon laquelle « toutes les options seraient envisageables » afin d’empêcher l’Iran de développer une capacité nucléaire armée. Jusqu’à présent, ils ne sont pas soumis à suffisamment de pression pour envisager un compromis. En effet, les dirigeants iraniens ne continuent-ils pas de railler Israël à distance, qualifiant le pays d’ « insulte pour l’humanité », véritable « tumeur » qu’il s’agirait pour la région d’éradiquer.

Pendant ce temps, les citoyens iraniens – dont le clergé de la ville sainte de Qom, située à proximité des installations nucléaires de Fordou – sont très inquiets quant aux conséquences d’une attaque. L’ayatollah Yousef Sanei, ancien procureur général, fort d’une certaine autorité religieuse (marja’), a demandé au gouvernement de s’abstenir de provoquer davantage Israël.

En effet, les détracteurs du gouvernement craignent que la rhétorique incendiaire utilisée par celui-ci ne mène  à une guerre dévastatrice. Pour autant, aux yeux des dirigeants iraniens, ces agressions verbales ont une valeur tactique dans la mesure où elles renforcent au sein du public israélien l’opinion selon laquelle l’Iran est un ennemi dangereux, prêt à riposter violemment.

En réalité, le discours anti-israélien reflète chez les leaders iraniens une confiance dans l’idée qu’Israël ne se résoudra pas à attaquer – un point de vue confirmé par la situation en Syrie. Ils sont convaincus que, même en cas d’effondrement du président syrien Bachar al-Assad, l’Iran sera en mesure de déstabiliser le pays d’une telle manière que celui-ci se posera en menace majeure pour la sécurité d’Israël. Selon cette conception, c’est bien Israël qui aurait intérêt à s’abstenir de contrarier davantage l’Iran, et non l’inverse.

Plusieurs éditoriaux parus dans le quotidien Kayhan – journal extrémiste iranien véritablement porte-parole du leader suprême – indiquent que Khamenei serait impatient de voir se jouer l’élection présidentielle américaine. Quelle que soit l’issue de celle-ci, il ne s’attend à aucune menace d’intervention militaire, au moins jusqu’à l’année prochaine. Une victoire d’Obama renforcerait la réticence de l’Amérique à attaquer l’Iran ainsi que les efforts renouvelés de celle-ci pour continuer de tirer les ficelles en Israël. D’un autre côté, si le challenger républicain Mitt Romney est élu, il lui faudra plusieurs mois pour composer son équipe en charge de la sécurité nationale ainsi que pour assembler son cabinet, ce qui rend impossible toute intervention immédiate en Iran.

Ceci dit, depuis l’émergence de la République islamique en 1979, les dirigeants iraniens ont généralement tendance à préférer les présidents républicains aux démocrates : malgré la dureté de leurs discours, les républicains ont toujours été plus enclins à s’engager en Iran de manière pragmatique. En effet, l’Iran ayant jusqu’à présent survécu aux sévères sanctions internationales prononcées à son encontre, ses dirigeants estiment qu’il est possible que les États-Unis lui proposent après l’élection – et notamment en cas de victoire de Romney – de lui reconnaître le droit d’enrichir de l’uranium.

En réalité, il est loin d’être certain que l’Iran ait les épaules pour supporter indéfiniment la pression des sanctions actuelles. Mais la confiance des dirigeants iraniens dans leur capacité à supporter cette pression demeure un élément crucial de leur stratégie, et l’Occident ne saurait se permettre d’ignorer leur point de vue. L’Amérique, qu’elle soit conduite par Obama ou par Romney, doit comprendre que l’Iran ne négociera pas sérieusement sur le sujet de son programme nucléaire tant qu’elle n’obtiendra pas un consensus clair, convainquant et unifié de la part des États-Unis et d’Israël à l’égard d’une approche qui appréhende à la fois les ambitions de l’Iran et les inquiétudes d’Israël.

L’aboutissement à un tel consensus dans un contexte d’élection présidentielle américaine ne sera pas une mince affaire. De même, l’émergence de ce consensus en Israël ne sera pas chose facile, d’autant plus que les partis politiques du pays se préparent à l’élection de l’an prochain. Ce n’est pourtant qu’à la condition d’une cohésion bien plus prononcée entre les États-Unis et Israël que les dirigeants iraniens commenceront seulement à envisager d’accepter un compromis sur la question de leur programme nucléaire.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

Copyright Project Syndicate


Mehdi Khalaji est membre principal à l’Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient.

For further information on the topic, please view the following publications from our partners:

The Potential for Israeli Military Action Against Iran’s Nuclear Facilities

Israel-American Strategic Coordination Regarding an Israeli Operation against Iran

The US on an Israeli Military Strike against Iran: A Change in Position?

A Toughened US Stance Toward Iran


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