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Accord avec l’Iran: convaincre à domicile.

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Handshake Iran US, courtesy of Zereshk /Wikimedia Commons

WASHINGTON, DC – Les premières déclarations du gouvernement américain concernant « l’accord préliminaire sur le programme nucléaire iranien » se sont surtout concentrées sur le succès de l’accord obtenu par les Etats-Unis et l’Occident. L’Iran a accepté d’arrêter l’enrichissement de l’uranium au-delà de 5% de concentration ; de neutraliser ses réserves d’uranium enrichi à près de 20% ; de cesser d’accumuler l’uranium enrichi à 3,5% ; de renoncer à la « prochaine génération de centrifugeuses » ; de fermer son réacteur au plutonium ; et d’autoriser de nouvelles inspections complètes de ses installations nucléaires. En retour, l’Iran obtient  “une levée limitée, temporaire, ciblée et réversible » des sanctions internationales.

L’accord ne couvre que les six prochains mois durant lesquels les deux parties tenteront de parvenir à un accord définitif complet. Pour l’instant, et comme l’a exprimé le président Barack Obama, du point de vue américain, « l’Iran doit maintenant prouver au monde que son programme nucléaire ne sera qu’à des fins exclusivement pacifiques. »

Le fait de présenter ainsi la situation dénote la difficulté de vendre un accord même limité et temporaire à un Congrès américain sceptique. Le mécontentement manifeste d’Israël concernant l’ensemble du processus de négociation, un sujet que le Premier ministre Benyamin Netanyahu n’a eu de cesse de soulever auprès de quiconque lui prêtait une oreille attentive au cours de ces trois derniers mois, résonne très fortement auprès de ses nombreux amis au Congrès.

En effet, la position d’Israël conforte les opposants républicains d’Obama qui notent la faiblesse et la naïveté de ses talents de négociateur avec l’Iran, un pays qui persiste à qualifier les Etats-Unis de « grand satan. » Les Républicains comme les Démocrates menacent de voter un nouvel ensemble de sanctions dures contre l’Iran en décembre. Obama doit donc se concentrer autant à renforcer sa position vis-à-vis des partisans de la ligne dure en interne qu’à affirmer sa fermeté auprès des négociateurs iraniens.

Ceci n’est pas étonnant. On peut espérer que l’annonce du gouvernement iranien à son peuple a été de nature similaire, en négatif, et concentrée sur les importantes concessions obtenues par les négociateurs iraniens. Elles comprennent la suspension des sanctions internationales sur les exportations de pétrole, d’or et de voitures, ce qui pourrait rapporter 1,5 milliard de dollars de revenus ; le déblocage de 4,2 milliards de dollars résultant de la vente de pétrole ; et la libération des aides boursières du gouvernement iranien à l’intention des étudiants iraniens inscrits à l’étranger.

Tout comme le président Obama, le président iranien Hassan Rouhani devra lui aussi mobiliser un soutien à cet accord, surtout en réduisant l’inflation et en faisant en sorte d’assurer la reprise de son économie. S’il parvient à désamorcer les tensions internes, surtout au sein de la classe moyenne rétive, le crédit en reviendra au gouvernement, et la garde républicaine iranienne et les autres partisans de la ligne dure s’en trouveront affaiblis.

L’Occident n’a plus qu’à espérer que ce scénario se vérifiera effectivement en Iran, parce que l’espace politique pour n’importe quel accord diplomatique significatif – que ce soit la volonté mise en œuvre ou l’espace pour y parvenir – se crée à domicile. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’un nouveau gouvernement arrive au pouvoir avec des promesses d’améliorer l’économie. Rouhani ne parviendra à contrecarrer l’influence des partisans de la ligne dure qui chercheraient à faire opposition à tout accord définitif que si la population iranienne profite d’un répit économique, et l’attribue à son administration.

Le véritable test de cet accord intermédiaire sera donc de savoir si les deux parties seront en mesure de s’assurer l’espace national suffisant pour poursuivre les négociations. Les enjeux n’ont jamais été aussi élevés – et pas uniquement du fait des dangereuses conséquences géopolitiques d’une bombe iranienne. Comme le dit Obama, « si l’Iran saisit cette opportunité, le peuple iranien bénéficiera de sa participation à la communauté internationale, et nous pourrons alors commencer à nous défaire de la méfiance qui sépare nos deux nations. L’Iran pourrait alors s’engager avec dignité sur une voie de renouveau dans ses relations avec le monde fondé sur un respect mutuel. »

Imaginons juste un instant ce à quoi pourraient ressembler le Moyen Orient et l’Asie centrale si les Etats-Unis et l’Iran reprenaient le dialogue. Comme nous avons pu le constater brièvement après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, le trafic de drogue depuis l’Afghanistan pourrait considérablement diminuer. En outre, la probabilité d’un accord régional incluant l’Iran, l’Inde, le Pakistan, la Russie, la Chine, la Turquie, l’Union Européenne, et les Etats-Unis serait plus sûre, permettant ainsi de définir un cadre pour assurer sécurité et croissance économique, ce que les diplomates, depuis Henry Kissinger jusqu’au défunt Richard Holbrooke, ont toujours affirmé être une condition nécessaire pour une paix durable en Afghanistan.

Mais ce qui est peut-être plus important, la paix en Syrie deviendrait alors possible – une paix possiblement durable même – si les Etats-Unis et l’Iran rétablissaient leur dialogue, lequel aurait beaucoup plus de poids aux yeux du régime du président Bashar al-Assad que la Russie. Après tout, ce sont les combattants du Hezbollah, les correspondants libanais de l’Iran, qui ont eu un rôle décisif dans la bataille contre l’opposition l’été dernier.

L’Iran a depuis longtemps exprimé sa volonté de récupérer son rôle historique de puissance régionale – et même mondiale – une ambition qui ne peut que croître devant la montée en puissance du statut géopolitique de la Turquie. Et l’Iran et la Turquie se classent respectivement au 17ème et 18ème rang mondial en terme de population, chacun avec des élites sophistiquées et un passé millénaire et illustre.

Le grand gagnant de cet accord intermédiaire avec l’Iran est la cause de la diplomatie elle-même. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry, la haute représentante de l’UE Catherine Ashton, et les autres participants aux négociations – tous aidés en cela par des équipes diplomatiques compétentes – ont travaillé d’arrache-pied sur les termes de cet accord pendant de longs mois, restant autour de la table, à coup de compromis, de fermeté et d’aménagements des attentes des multiples participants (dont la presse). L’administration Obama s’est engagée à jouer le rôle de chef de file mondial par le biais de sa puissance civile plutôt que militaire. C’est précisément ce qu’il fallait faire.

Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats

Copyright Project Syndicate


Anne-Marie Slaughter, ancienne directrice de la planification politique au Département d’Etat américain, est présidente et directrice générale de la New America Foundation et professeur en sciences politiques et relations internationales à l’Université Princeton.


For additional reading on this topic please see:

Implementation of the NPT Safeguards – Agreement and Relevant Provisions of Security Council Resolutions in the Islamic Republic of Iran

The Iran Nuclear Deal: Rewriting the Middle East Map

Neither Small Step Nor Giant Leap


For more information on issues and events that shape our world please visit the ISN’s Weekly Dossiers and Security Watch.

 

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