L’espoir d’un diagnostic médical pour tous

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Measles Vaccination in Merawi Province, Ethiopia, courtesy of DFID/Flickr

CORVALLIS, OREGON – Au sein des pays développés, la plupart des gens ont tendance à considérer comme acquis le fait de pouvoir accéder rapidement à un diagnostic et à un traitement lorsqu’ils tombent malades. En effet, bien que les démarches de diagnostic – qui impliquent généralement l’envoi de prélèvements sanguins, d’échantillons d’urine ou de tissus en vue d’une analyse en laboratoire – se révèlent parfois compliquées et onéreuses, prestataires de soins de santé et laboratoires de pointe demeurent largement accessibles. C’est l’une des raisons pour lesquelles le poids de la maladie a considérablement diminué en Occident.

Au sein des pays en voie de développement, en revanche, plusieurs millions de personnes meurent chaque année des suites de maladies qu’il est pourtant possible de guérir, comme le paludisme, en raison d’un manque en laboratoires de qualité et autres tests de diagnostic alternatifs. Les espoirs semblent toutefois être aujourd’hui permis : un certain nombre d’avancées, liées aux technologies microfluidiques, pourraient permettre de refaçonner le domaine de la santé, dans le cadre d’un abandon de la règle d’or des tests en laboratoire et en direction désormais de l’analyse hors laboratoire (AHL).

Le recours à des tests d’AHL permettant de conclure à des résultats précis et rapides offrirait ainsi la possibilité d’un diagnostic aux populations les plus défavorisées dans ce domaine, contribuant ainsi à un traitement précoce, de même qu’à la prévention des erreurs de soins (à savoir le traitement d’une maladie autre mais présentant des symptômes similaires). Afin qu’ils puissent exprimer leur plein potentiel, il est toutefois nécessaire que les tests d’AHL tiennent compte de l’importante diversité des facteurs affectant les applications de soins.

Tout d’abord, il est important que la démarche de test d’AHL prenne en considération les contraintes environnementales et opérationnelles liées au lieu dans lequel elle sera effectuée. Ces contraintes peuvent résider dans le manque de fiabilité de l’alimentation électrique, la difficulté ou l’imprévisibilité des conditions environnementales, le caractère limité du délai de contact entre le prestataire de santé et le patient, le manque de formation des intervenants, l’importance des exigences tarifaires, ou encore dans un caractère inadéquat des infrastructures locales susceptible d’entraver la maintenance et la réparation des instruments entrant en jeu.

Les configurations d’AHL peuvent en effet varier d’une situation faisant intervenir un prestataire de santé relativement formé, et opérant au sein d’une clinique alimentée en électricité et équipée d’un système de réfrigération, à un scénario dans lequel une personne non formée œuvre au sein d’un environnement n’offrant aucun mécanisme de contrôle de la température ou de l’humidité. Si nous entendons garantir la plus large couverture possible, il est indispensable que les tests d’AHL soient conçus de manière à pouvoir fonctionner dans les environnements les plus faiblement équipés.

De même, il est nécessaire que l’AHL tienne compte d’un certain nombre de spécificités liées aux tests en vue d’une utilisation clinique. Là où le diagnostic du paludisme ne nécessite qu’un résultat positif ou négatif, le test de la charge virale du VIH exige de préciser de manière calibrée la quantité de virus détectée.

L’un des formats de test d’AHL les plus efficaces n’est autre que le fameux test de grossesse, qui nécessite seulement un échantillon d’urine, et dont le résultat est connu en à peu près 15 minutes. Cette catégorie de « tests de diagnostic rapide » (TDR), techniques également utilisées dans le dépistage de maladies infectieuses comme le paludisme et le sida, satisfait à nombre des exigences clés attachées à la possibilité d’applications de santé dans le monde entier : ces tests se révèlent rapides et peu onéreux, peuvent être réalisés facilement par un intervenant non formé, et ne nécessitent aucune réfrigération. Leur défaut réside toutefois dans un manque de précision nécessaire à la fourniture d’informations permettant un diagnostic adéquat dans le cadre de nombreuses maladies.

De ce fait, les chercheurs travaillent au développement de tests sur papier buvard plus sophistiqués. De nouveaux dispositifs de buvards, à peu près de la taille d’un timbre postal, et divisés en plusieurs zones permettant différentes détections chimiques de l’échantillon, sont par exemple utilisés pour tester diverses pathologies associées à l’insuffisance hépatique affectant les patients atteints du sida ou de la tuberculose. Cette nouvelle génération de dispositifs « papier » implique par ailleurs un certain nombre de mécanismes chronologiques intégrés, permettant la réalisation de tests automatisés et à étapes multiples, du type de ceux effectués en laboratoire, mais cette fois-ci en format jetable.

La possibilité de tirer parti de la pénétration des réseaux de téléphonie mobile au sein des pays en voie de développement contribuerait également au renforcement des capacités de tests de diagnostic. Les TDR sont en grande partie limités à des applications nécessitant une interprétation visuelle. Téléphones mobiles non dédiés pourraient ainsi être utilisés pour capturer et envoyer les données image d’un TDR en direction d’un site à distance, où le prestataire de santé serait en mesure de formuler un retour de commentaire autour des résultats.

La mise en place d’un tel programme soulève néanmoins un ensemble de problématiques nouvelles. Afin de garantir la précision des résultats de test, le caractère variable du positionnement de l’image par l’utilisateur ainsi que des conditions d’éclairage au sein des différents environnements de test doit être appréhendé. (L’une des approches prometteuses actuellement en cours d’élaboration ferait intervenir l’utilisation d’un adaptateur permettant de connecter un téléphone mobile non-dédié au TDR effectué.)

En outre, ces démarches de tests par recours à la téléphonie exigeraient la présence d’une infrastructure logicielle, de type protocole de communication et procédures de priorisation, aux fins d’une harmonisation avec le système de santé. Il s’agirait également d’appréhender les problématiques de compatibilité liées à l’importante diversité des téléphones mobiles.

Enfin, la réussite du déploiement de tests par recours aux téléphones non dédiés exigerait l’acceptation de la communauté médicale. La récente approbation de la Food and Drug Administration américaine à l’égard d’un certain nombre d’appareils médicaux reposant sur une lecture via un téléphone dédié semble à cet égard prometteuse.

Le développement de tests d’AHL efficaces est désormais à l’œuvre, tests dont la prolifération des téléphones mobiles devrait permettre d’optimiser les capacités. Ces nouvelles possibilités constituent la promesse d’un meilleur accès des populations éloignées à un certain nombre de diagnostics de qualité, d’une amélioration de la gestion des maladies, ainsi que d’une réduction du coût des soins partout dans le monde.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

Copyright Project Syndicate


Elain Fu est professeur à l’École d’ingénierie chimique, biologique et environnementale de l’Oregon State University. Barry Lutz est professeur au sein du Département de bioingénierie de l’Université de Washington.


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