BLOOMINGTON – Beaucoup de choses dépendent du sommet de la Terre Rio +20 organisé par l’ONU. Une grande partie de l’opinion publique le considère comme un plan A pour sauver la planète et espère que les dirigeants parviendront à un accord international unique pour protéger l’écosystème qui maintient la vie sur Terre et éviter une crise humanitaire mondiale.
Un échec de Rio serait désastreux, mais un accord international unique serait une grave erreur. On ne peut s’appuyer sur une politique universelle pour résoudre le problème de la gestion des ressources communes : les océans, l’atmosphère, les forêts, les voies d’eau et toute la diversité de la biosphère qui entretiennent les conditions nécessaires à la vie, dont celle des sept milliards d’êtres humains.
Nos sociétés interconnectées sont confrontées aujourd’hui à des problèmes d’une échelle inégalée. Personne ne sait avec certitude quelle est la solution, il faut donc construire un système capable d’évoluer et de s’adapter rapidement.
Des dizaines d’années de recherche montrent qu’un éventail de mesures évolutives, complémentaires au niveau urbain, régional, national et international a plus de chance de réussir qu’un accord universel et contraignant, car il permettrait de disposer d’un recours en cas d’échec de certaines de ces mesures.
Par chance, cette stratégie commence à se mettre en place spontanément. En l’absence de législation efficace au niveau national et international pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, de plus en plus de villes prennent des mesures destinées à protéger leur population et leur économie. Ce n’est pas surprenant et c’est une évolution à encourager.
La plupart des grandes villes sont situées sur une façade maritime, à proximité d’une rivière ou d’un delta vulnérable, ce qui les met en première ligne en cas d’inondation ou d’élévation du niveau de la mer au cours des prochaines décennies. Elles doivent s’y préparer, mais étant à 70% responsables des émissions de gaz à effet de serre, il vaut mieux qu’elles agissent pour les diminuer.
Les USA n’ont pas de législation fédérale qui fixe explicitement des objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique. Pourtant en mai 2011 une trentaine de villes américaines avaient développé leur propre plan d’action et elles étaient plus de 900 à avoir signé l’accord des maires américains sur la protection du climat.
Cette diversité au niveau de la base en faveur d’une “politique verte” est judicieuse sur le plan économique. Les villes engagées dans le développement durable attirent les citoyens créatifs et éduqués qui souhaitent vivre dans un environnement moderne et non pollué qui réponde à leur style de vie. C’est là que réside le potentiel de croissance de demain. Nous changerons de modèle de développement en un clin d’œil, de la même manière que l’on se débarrasse d’un vieux téléphone portable pour un modèle plus performant lorsqu’on en voit l’utilité.
Certes le développement durable suppose davantage que la lutte contre la pollution. Les planificateurs urbains doivent regarder au-delà des limites de leur ville pour analyser les flux de ressources (énergie, alimentation, eau et population) qui y entrent et qui en sortent.
Un ensemble hétérogène de grandes villes à travers le monde interagissent pour influer de manière décisive sur l’évolution de l’écosystème. Elles partagent leur expérience, utilisent les bonnes idées et en abandonnent d’autres. Il a fallu des dizaines d’années à Los Angeles pour mettre en oeuvre un contrôle de la pollution, alors que d’autres villes comme Pékin l’ont fait rapidement quand elles en ont vu le bénéfice. Dans les décennies à venir, nous verrons peut-être l’émergence d’un système mondial d’interconnexion des villes qui ont opté pour le développement durable. Et en cas de succès, tout le monde voudra s’y joindre.
Fondamentalement, c’est la bonne stratégie pour gérer le risque systémique et le changement à l’intérieur de systèmes complexes interconnectés et pour gérer les ressources communes – même si cela n’a pas encore freiné la montée inexorable des émissions de gaz à effet de serre.
Le sommet Rio +20 est d’une importance cruciale, il se tient à un moment critique. Depuis 20 ans le développement durable est considéré comme un idéal à atteindre. Mais la première Déclaration sur l’état de la planète publiée lors de la récente méga-conférence internationale Planète sous pression montre que le développement durable est le seule envisageable à long terme. Le développement durable au niveau local et national doit se combiner au développement durable au niveau global. Cette idée doit constituer la pierre angulaire des économies nationales et constituer l’essence même de nos sociétés.
Il faut maintenant inscrire le développement durable dans l’ADN de nos sociétés interconnectées. Le temps est la première ressource naturelle en voie d’épuisement, c’est pourquoi le sommet de Rio doit galvaniser le monde. Nous devons fixer des objectifs universels en terme de développement durable sur des questions telles que l’énergie, la sécurité alimentaire, les conditions sanitaires, la planification urbaine et l’éradication de la pauvreté, tout en réduisant les inégalités à la surface de la planète.
A titre d’exemple face aux problèmes globaux, les Objectifs de développement pour le millénaire de l’ONU ont réussi là où d’autres initiatives ont échoué. Tous ces objectifs ne seront pas atteints en 2015, date initialement prévue, mais l’expérience est riche en enseignement.
Se fixer des objectifs permet de vaincre l’inertie, mais il doit y avoir un enjeu pour toutes les parties qui participent à leur élaboration, qu’il s’agisse de pays, de villes, d’organisations, d’entreprises ou d’individus où que ce soit. Le succès dépendra du développement de mesures coordonnées pour y parvenir.
Il nous reste une décennie avant que le coût économique des solutions actuelles ne devienne trop élevé. Si nous n’agissons pas, nous nous exposons à des changements catastrophiques et peut-être irréversibles de l’écosystème. Notre premier objectif doit être de traiter ce risque à l’échelle de la planète, plutôt que de mettre en danger le bien-être des générations futures.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
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