Categories
Uncategorized

Brésil : Les unités de “police pacificatrice” de Rio sur la sellette

Print Friendly, PDF & Email
The 18th Rio UPP was launched in November 2011 in the Managueira neighborhood which has 20,000 inhabitants. Image by SEASDH on Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).
Le 18ème Rio UPP ou Unité de Police Pacificatrice a été lancé en novembre 2011 dans le quartier de Managueira qui compte quelques 20 000 habitants. Photo de SEASDH sur Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

[Liens en portugais, sauf mention contraire] Récemment, le gouvernement de l’état de Rio de Janeiro, au Brésil, a opté pour un système de sécurité basé sur le déploiement d’une police de proximité ou Unités de Police Pacificatrice, connues sous le nom d’UPP. La stratégie de l’UPP [en portugais comme les liens suivants, sauf indication contraire] ambitionne de placer, de manière permanente, des unités de police au cœur des favelas pour contrer le crime organisé et promouvoir des politiques sociales.

Depuis décembre 2008, 18 des quelques 1000 favelas que compte la capitale de Rio ont accueilli des UPP. Dans un article pour Rede Brasil Atual, Maurício Thuswohl soutient que les UPP sont localisées dans des quartiers stratégiques :

O desenho traçado pelas UPPs no mapa do Rio evidencia a intenção do governo de criar um cinturão de segurança nos bairros com maior poder aquisitivo e nas áreas da cidade onde ocorrerão eventos e concentração de turistas estrangeiros durante a Copa do Mundo de 2014 e as Olimpíadas de 2016.

Le schéma dessiné par les UPP sur la carte de Rio met en évidence les intentions du gouvernement de créer une ceinture de sécurité autour des quartiers dont les habitants disposent d’un meilleur pouvoir d’achat ainsi que dans les quartiers de la ville où auront lieu des manifestations, et donc d’importantes concentrations de touristes étrangers, pendant la Coupe du Monde de 2014 et les Olympiades de 2016.

L’objectif d’établir une UPP à la Rocinha, qui est tout de même la favela la plus peuplée de Rio, n’est à ce jour pas encore atteint. Afin que l’UPP puisse s’établir dans cette partie de la ville, le Bataillon des Opérations Spéciales de Police (BOPE en portugais) a dû entreprendre une opération lourdement armée. Cette opération est en cours à la Rocinha depuis le 13 novembre 2011, mais elle n’est toujours pas en mesure d’ouvrir la route à l’UPP.

Selon un article publié par Mundo Real, une organisation active dans la communauté (NdT: Au brésil, on appelle “communauté” une population qui vit dans un quartier défavorisé, ne comptant donc que sur un système d’entraide très répandu, d’où le nom de “communauté”), une corruption généralisée et des inégalités sociales sont en fin de compte les raisons pour lesquelles la stratégie des UPP ne marchera pas à la Rocinha.

La vidéo ci-dessous montre ‘l’occupation’ de la Rocinha, postée sur YouTube par BlogdaPacificacao le 22 Novembre 2011 :

Quelques réussites ?

Les UPP ont néanmoins atteint un certain niveau de succès. Des données officielles révèlent une chute du taux de criminalité de Rio et les membres des UPP sont parvenus à tisser des liens avec la population. L’un de ces exemples est la policière Rafaela Malta, qui enseigne le ballet à 70 filles de la favela Cidade de Deus [en français], comme le montre la vidéo ci-dessous, mise en ligne le 7 mars 2012 :

http://www.youtube.com/watch?v=ut-4XNGIvpU&feature

Le projet complémentaire, connu sous le nom de UPP Social a parallèlement été lancé afin de faire office de médiateur entre les communautés et l’état. Corinne Cath, cependant, dans un article pour l’organisation RioOnWatch [en anglais], affirme que les priorités de l’état diffèrent de celles des résidents des favelas :

Le deuxième conflit qui surgit se situe dans la différence de priorités soutenues par l’UPP Social et la communauté. L’UPP Social est convaincu que l’effort doit être porté sur le ramassage des ordures, la régularisation du paiement des factures d’électricité (moyen par lequel les résidents paient désormais leur facture d’électricité et autres) (NdT: Pour qui a déjà vu des reportages sur les favelas, l’image est claire: celle de ces enchevêtrements de fils qui se raccordent sauvagement au réseau électrique, et dont les auteurs ne paient jamais rien, bien entendu), et l’amélioration ou la rénovation de l’espace public.

Cependant, les trois premières demandes de la communauté, concernent l’éducation, l’accès au système de santé et des changements dans l’attitude de la police envers les habitants de la favela du Vidigal et de la Chácara do Céu. Plusieurs représentants de la communauté ont décrit l’attitude des policiers de l’UPP comme étant exactement la même que celle de la police ‘normale’ qui intervenait dans la communauté lorsqu’elle était aux mains des gangs de la drogue.

Selon Rafael Nunes dans un article pour l’Agência de Notícias das Favelas (l’Agence de Presse des Favelas), la stratégie de l’état est de promouvoir la mise en application de la loi conjointement à un soutien aux activités privées et au secteur des services, et ces mesures ont déjà affecté les résidents :

…O problema é que uma conta de luz social, que no início não passava de quinze reais e de repente saltou para trezentos reais, pode determinar se uma pessoa vai poder ou não continuar vivendo num determinado local com dignidade.. A coerção e a intimidação por parte de agentes do governo municipal, com a ameaça de prejuízos jurídicos e materiais, nos foram contados como uma constante para pressionar a saída desses moradores e a entrega dos terrenos, que na maioria das vezes não passa as indenizações dos vinte mil reais.

…Le problème c’est qu’une facture sociale d’électricité, qui, au début, ne dépassait pas les 15 reais (6 euros) et a soudainement explosé jusqu’à 300 réais (120 Euros), peut déterminer si une personne est capable ou pas de rester en un endroit donné avec dignité… La coercition et l’intimidation de la part des agents du gouvernement municipal, sous la menace de préjudices juridiques et matériels, nous ont été présentées comme une constante pour forcer le départ de ces habitants et la reprise en main des terrains, qui dans la majorité des cas, ne sont pas indemnisés au-delà des 20 000 réais (8 000 Euros)

Auto-détermination

Rogério Dias signale sur son blog No Foco em Debate que les résidents des favelas ne sont en général pas entendus par les médias :

No que diz respeito à cobertura da grande imprensa, me parece que um lado muito importante da história não foi ouvido e, se foi, me parece que foi sub-valorizado: o lado dos moradores. O que eles acham? Com certeza estão felizes com a saída dos traficantes, mas a presença permanente da força de repressão do estado também não é incômoda? Saem homens armados e entram outros homens armados, e realmente não sei o que é pior para aquelas pessoas…

En ce qui concerne la couverture médiatique grand-public, il me semble qu’elle a négligé une large part de l’histoire, et si tel n’est pas le cas, je pense qu’elle a été sous-estimée. Voilà le point de vue des résidents. Que pensent-ils ? Ils sont sûrement satisfaits de la disparition des trafiquants de drogues. Mais, la présence constante d’une force policière dans leurs murs n’est-elle pas inconfortable ? Après tout, des hommes en armes s’en vont… remplacés par d’autres, et je ne sais vraiment plus ce qui est le pire pour ces gens…

Parce que l’approche de l’UPP consiste en mesures “d’intervention” ou de “pacification”, elle peut aussi compromettre le droit à l’auto-détermination. Eduardo Tomazine Teixeira évoque cette possibilité dans un article pour Passa Palavra :

…(se nota) o fim da presença ostensiva da criminalidade armada nos espaços ocupados. Evidentemente, ainda é cedo para tirar conclusões mais definitivas, mas, a manter-se este quadro, as condições de vida da população destes espaços terão mudado significativamente, e terão mudado também as condições de luta pela autodeterminação sobre os seus espaços e de mobilização política de maneira geral.

… (on remarque) la fin de la présence ostentatoire de la criminalité armée dans les zones occupées. Évidemment, il encore trop tôt pour en tirer des conclusions plus définitives, mais, si ce cadre se maintient, les conditions de vie de la population auront radicalement changé, ainsi que les conditions de lutte pour l’auto-détermination en ce qui concerne leurs espaces et de mobilisation politique de façon plus générale.
(Translation by Jean Saint-Dizier)

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.