Le mythe de l’isolationnisme américain

Projecting US Power, courtesy of Al_Hikes AZ /flickr

CAMBRIDGE – Les Etats-Unis se replient-ils sur eux-mêmes, séduits par l’isolationnisme ? Cette question m’a été posée à maintes reprises par des personnalités politiques et du monde de la finance lors du dernier Forum économique mondial de Davos et a refait surface à l’occasion de la Conférence annuelle de Munich sur la sécurité. Lors du discours prononcé devant le Forum de Davos, le secrétaire d’État américain John Kerry a précisé : « Loin de se désengager, les Etats-Unis sont plus que jamais engagés dans le monde – et fiers de l’être ». Pourtant, la question persiste.

Contrairement à l’ambiance qui régnait à Davos il y a quelques années, quand de nombreux participants confondaient une récession avec un déclin à long terme des Etats-Unis, le point de vue qui prédominait cette année était que l’économie américaine avait récupéré une grande partie de sa force intrinsèque. Les prophètes de malheur économiques ont préféré mettre l’accent sur les marchés émergents, pourtant les coqueluches d’hier, comme le Brésil, la Russie, l’Inde et la Turquie.

Les inquiétudes concernant un éventuel isolationnisme américain tiennent à des événements récents. Citons, d’abord, le refus des États-Unis (jusqu’à présent) d’intervenir militairement en Syrie. Ensuite, le retrait prochain des troupes américaines d’Afghanistan envoie un message apparent du même ordre. Enfin, l’annulation par le président Barack Obama de son voyage en Asie l’an dernier, en raison du blocage politique au Congrès et de la paralysie subséquente du gouvernement, a laissé une mauvaise impression auprès des chefs d’État de la région.

En fait, à cause du temps et des nombreux voyages que consacre Kerry au Moyen-Orient, de nombreux dirigeants asiatiques sont arrivés à la conclusion que le fameux rééquilibrage stratégique de la politique étrangère américaine vers l’Asie, voulu par Obama, avait perdu de son impulsion, alors même que les tensions entre la Chine et le Japon, manifestes dans les déclarations de leurs dirigeants à Davos, vont croissant.

De point de vue des participants au Forum de Davos, le récent refus du Congrès américain d’approuver la réforme de la gouvernance et le refinancement du Fonds monétaire international est apparu comme particulièrement effarant, alors même qu’un projet dans ce sens, qui ne faisait porter qu’une charge fiscale supplémentaire minimale aux contribuables américains, avait été adopté quelques années plus tôt par le G20 grâce au rôle prépondérant joué par les Etats-Unis.

Lorsque j’ai demandé à un sénateur républicain pourquoi le Congrès avait refusé d’honorer un engagement pris par les Etats-Unis, il a qualifié cette décision de « pur entêtement », caractérisant la position de Républicains proches du Tea Party et de certains Démocrates de gauche. Un autre exemple de la tentation isolationniste des Etats-Unis est reflétée par un récent sondage d’opinion effectué par le Pew Research Center et le Council on Foreign Relations. Selon cette enquête, 52 pour cent des Américains estiment que les Etats-Unis « doivent seulement s’occuper de leurs intérêts au plan international et laisser les autres pays se débrouiller du mieux qu’ils le peuvent ». Quasiment la même proportion de sondés a estimé que les États-Unis étaient « moins puissants et importants » qu’ils l’étaient dix ans auparavant.

Le problème avec ces perceptions – au plan national comme à l’étranger – est que les Etats-Unis restent le pays le plus puissant au monde, et le resteront sans doute pour quelques décennies encore. La taille et la rapide croissance économique de la Chine pèseront sans doute dans le rapport de force avec les Etats-Unis. Mais même quand la Chine deviendra la principale économie mondiale dans les années à venir, elle sera quand même loin derrière les Etats-Unis en termes de PIB par habitant.

Et de plus, même si la Chine ne connaît pas d’instabilité politique majeure, les prévisions basées sur la seule croissance du PIB sont unidimensionnelles et ne tiennent compte ni des capacités militaires et de persuasion des Etats-Unis, ni des désavantages géopolitiques de la Chine en Asie.

La culture d’ouverture et d’innovation des Etats-Unis lui permettra de continuer à jouer le rôle de plaque tournante mondiale à une époque où les réseaux complémentent, voire remplacent pleinement, le pouvoir hiérarchique. Les Etats-Unis sont bien placés pour profiter de ces réseaux et alliances, sous réserve que les dirigeants américains suivent des stratégies judicieuses. En termes structurels, il est extrêmement important que les deux entités mondiales ayant des économies et des revenus par habitant similaires à ceux des Etats-Unis – l’Europe et le Japon – soient toutes deux des alliées. En termes d’équilibre des pouvoirs, cette situation favorise la position des Etats-Unis, mais à condition que l’administration américaine sache maintenir ces alliances et renforcer la coopération internationale.

Le déclin n’est pas une image juste de la réalité américaine et Obama a heureusement résisté à l’idée qu’il devrait suivre une stratégie pour y remédier. Chef de file dans les domaines de la recherche et du développement, de l’enseignement supérieur et de l’initiative entrepreneuriale, les Etats-Unis, contrairement à la Rome antique, ne font pas l’expérience d’un déclin absolu. Nous ne vivons pas dans un monde post-américain, mais nous ne vivons plus non plus dans l’ère américaine de la fin du XXe siècle. Dans les décennies à venir, les Etats-Unis seront les « premiers », mais pas les « seuls ».

Cette nouvelle conjoncture tient d’une part au pouvoir croissant d’acteurs étatiques et non-étatiques et de l’autre au fait que les Etats-Unis devront, pour obtenir une solution de leur choix sur un large éventail de questions, exercer autant le pouvoir avec autrui que sur autrui. La capacité du gouvernement américain à maintenir des alliances et à créer des réseaux sera une dimension fondamentale du pouvoir de persuasion et du pouvoir de contrainte des Etats-Unis. Le problème posé à la puissance américaine au XXIe siècle n’est pas seulement la Chine, mais également l’émergence de « tous les autres ».

La solution n’est pas l’isolationnisme, mais une stratégie sélective similaire à celle qu’a défendue Dwight Eisenhower dans les années 1950. Une stratégie de pouvoir bien réfléchie commence par une évaluation claire des limites. La première puissance mondiale ne doit pas nécessairement patrouiller chaque frontière et projeter partout sa force. C’est pour cette raison que Eisenhower a, à juste titre, rejeté l’intervention directe au Vietnam aux côtés des Français en 1954.

Eisenhower avait également raison sur un autre point : la force militaire des Etats-Unis dépend de la préservation de leur puissance économique. La construction de la nation n’équivaut pas à l’isolationnisme que craignent les critiques ; bien au contraire, elle contribue à une politique étrangère intelligente.

Une stratégie éclairée serait d’éviter l’implication de forces armées dans des guerres importantes sur le continent asiatique. Une telle prudence n’équivaut pas pour autant à de l’isolationnisme. Les Etats-Unis doivent plus habilement user de leur capacité à convaincre et à contraindre.

Comme l’a dit Obama lors de son discours sur l’état de l’Union de 2014, « dans un monde de menaces complexes, notre sécurité dépend de tous les éléments qui constituent notre pouvoir – dont une diplomatie ferme et régie par des principes ». C’est des mots qu’Eisenhower aurait pu prononcer et personne ne l’aurait accusé d’être un isolationniste.

Traduit de l’anglais par Julia Gallin

Copyright Project Syndicate


Joseph S. Nye est professeur à l’université de Harvard et l’auteur de Presidential Leadership and the Creation of the American Era (La fonction présidentielle et la création de l’ère américaine – ndlt).


For additional materials on this topic please see:

China, India and the United States: Tempered Rivalries in Asia

New Realities: Energy Security in the 2010s and Implications for the US Military

GI Come Back


For more information on issues and events that shape our world please visit the ISN’s Weekly Dossiers and Security Watch.

أسطورة أميركا الانعزالية

Projecting US Power, courtesy of Al_Hikes AZ /flickr

 

كمبريدج ــ تُرى هل تنغلق الولايات المتحدة على نفسها وتصبح انعزالية؟ طُرِح هذا السؤال عليّ من قِبَل عدد من زعماء عالم المال والسياسة في المنتدى الاقتصادي العالمي الأخير في دافوس، ثُم سمعت نفس السؤال مرة أخرى بعد بضعة أيام في مؤتمر ميونيخ الأمني السنوي. وفي كلمة قوية ألقاها في دافوس أعطانا وزير الخارجية الأميركي جون كيري إجابة لا لبس فيها: “إن أميركا أبعد ما تكون عن الانسحاب وفك الارتباط، بل هي فخورة بأن تكون أكثر انخراطاً ومشاركة من أي وقت مضى”. ولكن السؤال ظل باقيا.

خلافاً للمزاج في دافوس قبل بضع سنوات، عندما تصور العديد من المشاركين بالخطأ أن الركود الاقتصادي انحدار أميركي طويل الأجل، فإن الرأي السائد هذا العام كان أن اقتصاد الولايات المتحدة استعاد الكثير من قوته الأساسية. وركز أصحاب النظرة المتشائمة إلى الاقتصاد بدلاً من ذلك على أسواق ناشئة مألوفة سابقاً مثل البرازيل وروسيا والهند وتركيا.

الواقع أن الانزعاج الشديد إزاء انعزالية الولايات المتحدة حركته أحداث أخيرة. فبادئ ذي بدء، هناك رفض أميركا (حتى الآن) للتدخل العسكري في سوريا. ثُم هناك انسحاب القوات الأميركية من أفغانستان قريبا. وقد خَلَّف إلغاء الرئيس باراك أوباما لرحلته إلى آسيا في الخريف الماضي، بسبب الجمود السياسي في الكونجرس الأميركي وما نتج عنه من التعطيل المؤقت للحكومة، انطباعاً رديئاً لدى زعماء المنطقة.

ومع تركيز كيري لوقته ورحلاته على الشرق الأوسط، بات العديد من الزعماء الآسيويين يعتقدون أن السياسة الخارجية بتوقيع أوباما ــ “إعادة التوازن” الاستراتيجي نحو آسيا ــ استنفدت وقودها، حتى برغم تصاعد التوتر بشكل مستمر بين الصين واليابان والذي تجلى في تصريحات زعماء البلدين في دافوس.

كان التصرف الأكثر فظاظة من منظور “دافوس” هو رفض الكونجرس الموافقة على إصلاح صندوق النقد الدولي وإعادة تمويله، حتى برغم الموافقة على الخطة التي لم تُضِف عبئاً كبيراً إلى أعباء دافعي الضرائب الأميركيين قبل سنوات من قِبَل مجموعة العشرين بقيادة أوباما.

وعندما سألت أحد أعضاء مجلس الشيوخ البارزين عن سبب تراجع الكونجرس عن الالتزام بتعهد أميركي، أرجع الأمر إلى “المشاكسة المحضة”، وهو ما يعكس مزاج الجمهوريين في حزب الشاي اليميني وبعض الديمقراطيين اليساريين. وبوسعنا أن نستشف المزيد من الأدلة التي تؤكد الانعزالية الأميركية من استطلاع أخير للرأي أجراه مركز بيو للبحوث ومجلس العلاقات الخارجية. ووفقاً لاستطلاع الرأي فإن 52% من الأميركيين يعتقدون أن الولايات المتحدة “لابد أن تهتم بشؤونها الخاصة على المستوى الدولي وأن تترك للدول الأخرى أن تتدبر أمورها على أفضل نحو في إمكانها بنفسها”. وقال نفس الرقم تقريباً إن الولايات المتحدة أصبحت “أقل أهمية وقوة” مما كانت عليه قبل عشر سنوات.

والمشكلة في هذه التصورات ــ سواء في الداخل أو الخارج ــ هي أن الولايات المتحدة تظل الدولة الأكثر قوة على مستوى العالم، ومن المرجح أن تظل كذلك لعقود من الزمان. ويكاد يكون من المؤكد أن حجم الصين وسرعة نمو اقتصادها من الأمور التي ستزيد من قوتها النسبية في مواجهة الولايات المتحدة. ولكن حتى عندما تصبح الصين الدولة صاحبة أضخم اقتصاد على مستوى العالم في الأعوام المقبلة فإنها سوف تظل على بُعد عشرات السنين خلف الولايات المتحدة من حيث نصيب الفرد في الدخل.

وعلاوة على ذلك، فحتى إذا لم تتعرض الصين لنكسة سياسية محلية كبرى فإن التوقعات القائمة على نمو الناتج المحلي الإجمالي وحدها تتسم بأحادية البُعد وتتجاهل المؤسسة العسكرية في الولايات المتحدة والمزايا التي تمنحها إياها قوتها الناعمة. وتتجاهل هذه التوقعات أيضاً العيوب الجيوسياسية التي تعاني منها الصين داخل آسيا.

إن ثقافة أميركا القائمة على الانفتاح والإبداع سوف تضمن دورها كمركز عالمي في عصر حيث تعمل الشبكات على تكميل السلطة الهرمية، إن لم تكن تحل محلها بالكامل. والولايات المتحدة في وضع يسمح لها بالاستفادة من مثل هذه الشبكات والتحالفات، إذا انتهج القادة الأميركيون استراتيجيات ذكية. ومما يشكل أهمية كبرى من الناحية البنيوية أن الكيانين اللذين يضارعان اقتصاد الولايات المتحدة ونصيب الفرد فيها في الدخل ــ أوروبا واليابان ــ حليفان لأميركا. وعندما نتحدث عن موارد ميزان القوى فإن هذا من شأنه أن يعزز موقف أميركا الصافي، ولكن ليس من دون حفاظ قادة الولايات المتحدة على هذه التحالفات وضمان التعاون الدولي.

إن الانحدار وصف مضلل لأميركا اليوم، ومن حسن الحظ أن أوباما رفض الاقتراح القائل بأنه لابد أن يتبنى استراتيجية تهدف إلى إدارة ذلك الانحدار. وخلافاً لروما القديمة فإن الولايات المتحدة، بوصفها زعيمة في البحث والتطوير والتعليم العالي والنشاط التجاري، ليست في انحدار مطلق. ونحن لا نعيش في “عالم ما بعد أميركا”، ولكننا أيضاً لم نعد نعيش في “العصر الأميركي” في أواخر القرن العشرين. وفي العقود المقبلة سوف تكون الولايات المتحدة “الأولى” ولكنها لن تكون “الوحيدة”.

ويرجع هذا إلى حقيقة مفادها أن موارد القوة لدى العديد من الكيانات الأخرى ــ الجهات الفاعلة سواء من الدول أو غير الدول ــ آخذة في النمو، ولأنه في عدد متزايد من القضايا سوف يتطلب تحقيق النتائج الأميركية المفضلة ممارسة القوة مع الآخرين وعلى الآخرين بنفس القدر. وسوف تشكل قدرة قادة الولايات المتحدة على الحفاظ على التحالفات وإنشاء الشبكات بُعداً مهماً في تعزيز قوة أميركا الصارمة والناعمة. والمشكلة التي تواجه قوة الولايات المتحدة في القرن الحادي والعشرين ليست الصين فحسب، بل وأيضاً “صعود بقية القوى”.

والحل ليس العزلة، بل انتهاج استراتيجية الانتقائية على غرار ما دعا إليه الرئيس دوايت أيزنهاور في خمسينيات القرن العشرين. وتبدأ استراتيجية القوة الذكية بالتقييم الواضح للحدود. فالقوة المتفوقة ليست مضطرة إلى مراقبة كل الحدود واستعراض قوتها في كل مكان. وهذا هو السبب الذي جعل أيزنهاور يقاوم بحكمة التدخل المباشر على الجانب الفرنسي في فيتنام في عام 1954.

وكان أيزنهاور محقاً بشأن أمر آخر أيضا: وهو أن القوة العسكرية التي تتمتع بها الولايات المتحدة تعتمد على الحفاظ على قوتها الاقتصادية. وبناء الأمة في الداخل ليس الانعزالية التي يخشاها المنتقدون؛ فهي على العكس من ذلك تشكل أهمية بالغة للسياسة الخارجية الذكية.

والاستراتيجية الذكية تتجنب توريط قوات برية في حروب كبرى على القارة الآسيوية. غير أن مثل هذا التوجه الحكيم ليس كمثل الانعزالية. فالولايات المتحدة تحتاج إلى الجمع بين موارد قوتها الناعمة وقتها الصارمة بشكل أفضل.

وكما قال أوباما في خطاب حالة الاتحاد في عام 2014: “ففي عالم يتسم بتهديدات معقدة، يعتمد أمننا على كافة عناصر قوتنا ــ بما في ذلك الدبلوماسية القوية القائمة على المبادئ”. ولعل أيزنهاور كان ليقول نفس الكلام دون أن يتهمه أحد بالانعزالية.

ترجمة: أمين على          Translated by: Amin Ali

Copyright Project Syndicate


جوزيف س. ناي، الابن أستاذ في جامعة هارفارد، وأحدث مؤلفاته كتاب بعنوان “الزعامة الرئاسية وخلق العصر الأميركي”.


For additional materials on this topic please see:

China, India and the United States: Tempered Rivalries in Asia

New Realities: Energy Security in the 2010s and Implications for the US Military

GI Come Back


For more information on issues and events that shape our world please visit the ISN’s Weekly Dossiers and Security Watch.

The Myth of Isolationist America

Projecting US Power, courtesy of Al_Hikes AZ /flickr

CAMBRIDGE – Is the United States turning inward and becoming isolationist? That question was posed to me by a number of financial and political leaders at the recent World Economic Forum at Davos, and was heard again a few days later at the annual Munich Security Conference. In a strong speech at Davos, Secretary of State John Kerry gave an unambiguous answer: “Far from disengaging, America is proud to be more engaged than ever.” Yet the question lingered.

Unlike the mood at Davos a few years ago, when many participants mistook an economic recession for long-term American decline, the prevailing view this year was that the US economy has regained much of its underlying strength. Economic doomsayers focused instead on previously fashionable emerging markets like Brazil, Russia, India, and Turkey.

El mito del aislacionismo de Estados Unidos

Projecting US Power, courtesy of Al_Hikes AZ /flickr

CAMBRIDGE – ¿Estados Unidos se está replegando y volviéndose aislacionista? En el reciente Foro Económico Mundial en Davos, varios líderes financieros y políticos me hicieron esta pregunta, que volví a escuchar pocos días después en la Conferencia de Seguridad anual de Múnich. En un discurso enérgico en Davos, el secretario de Estado John Kerry ofreció una respuesta bien clara: “Lejos de desvincularse, Estados Unidos está orgulloso de estar más comprometido que nunca”. Pero la pregunta quedó flotando en el aire.

A diferencia del estado de ánimo en Davos hace pocos años, cuando muchos participantes confundían recesión económica con decadencia norteamericana a largo plazo, la opinión prevaleciente este año fue que la economía de Estados Unidos ha recuperado gran parte de su fuerza subyacente. Los agoreros económicos se centraron, en cambio, en los mercados emergentes que antes estaban de moda, como Brasil, Rusia, India y Turquía.

La ansiedad en torno del aislacionismo estadounidense está motivada por los acontecimientos recientes. Para empezar, está la negativa de Estados Unidos (hasta ahora) a intervenir militarmente en Siria. Después, el inminente retiro de las tropas estadounidenses de Afganistán. Y la cancelación por parte del presidente Barack Obama de su viaje a Asia en el otoño pasado, debido a un atasco político interno en el Congreso de Estados Unidos y el resultante cierre del gobierno, dio una mala impresión a los líderes de la región.

De hecho, considerando que el tiempo y los viajes de Kerry están centrados en Oriente Medio, muchos líderes asiáticos creen que la política exterior distintiva de Obama -“reequilibrio” estratégico en Asia- ha perdido fuerza, incluso cuando la tensión entre China y Japón, evidente en las declaraciones de sus líderes en Davos, sigue in crescendo.

Particularmente indignante desde el punto de vista de “Davos” fue la reciente negativa por parte del Congreso a aprobar la reforma y el refinanciamiento del Fondo Monetario Internacional, aunque años antes el G-20, durante la presidencia de Obama, había acordado un plan que no representaba una carga significativa para el contribuyente norteamericano.

Cuando le pregunté a un prominente senador republicano por qué el Congreso se había resistido a mantener un compromiso por parte de Estados Unidos, lo atribuyó a una “mera terquedad “, que reflejaba el estado de ánimo de los republicanos de derecha del Tea Party y de algunos demócratas de izquierda. Más evidencia del aislacionismo norteamericano se puede encontrar en una encuesta de opinión reciente realizada por el Pew Research Center y el Consejo sobre Relaciones Exteriores. Según el sondeo, 52% de los norteamericanos cree que Estados Unidos “debería ocuparse de sus cosas internacionalmente y dejar que otros países se arreglen de la mejor manera posible por su cuenta”. Prácticamente la misma cantidad dijo que Estados Unidos es “menos importante y poderoso” que hace una década.

Uno de los problemas de estas percepciones -tanto fronteras adentro como en el exterior- es que Estados Unidos sigue siendo el país más poderoso del mundo, y probablemente lo siga siendo durante décadas. El tamaño y el rápido crecimiento económico de China casi con certeza aumentarán su fortaleza relativa frente a Estados Unidos. Pero inclusive si China se convierte en la economía más grande del mundo en los próximos años, estará décadas detrás de Estados Unidos en términos de ingresos per capita.

Es más, aún si China no sufriera ningún revés político interno de importancia, las proyecciones basadas sólo en el crecimiento del PBI son unidimensionales e ignoran las ventajas del ejército de Estados Unidos y el poder blando. También ignoran las desventajas geopolíticas de China en el interior de Asia.

La cultura de apertura e innovación de Estados Unidos asegurarán su papel como centro global en una era en la que las redes complementan, si no reemplazan plenamente, el poder jerárquico. Estados Unidos está bien posicionado para beneficiarse de este tipo de redes y alianzas, si los líderes norteamericanos siguen estrategias inteligentes. En términos estructurales, es sumamente importante que las dos entidades del mundo con economías e ingresos per capita similares a Estados Unidos -Europa y Japón- sean aliadas norteamericanas. En términos de recursos de equilibrio de poder, eso fomenta la posición neta de Estados Unidos, pero sólo si los líderes norteamericanos mantienen estas alianzas y aseguran la cooperación internacional.

Decadencia es una metáfora engañosa para los Estados Unidos de hoy, y Obama afortunadamente ha rechazado la sugerencia de que debería perseguir una estrategia destinada a controlarla. Como líder en investigación y desarrollo, educación superior y actividad empresarial, Estados Unidos, a diferencia de la Roma antigua, no atraviesa una decadencia absoluta. No vivimos en un “mundo post-Estados Unidos”, pero tampoco vivimos en la “era norteamericana” de fines del siglo XX. En las décadas por delante, Estados Unidos estará “primero” pero no será el “único”.

Esto se debe a que los recursos de poder de muchos otros –tanto estados como no estados- están creciendo y a que, en una cantidad cada vez mayor de cuestiones, obtener los resultados que busca Estados Unidos exigirá ejercer poder con otros tanto como sobre otros. La capacidad de los líderes estadounidenses para mantener alianzas y crear redes será una dimensión importante del poder duro y blando de Estados Unidos. El problema del poder norteamericano en el siglo XXI no es sólo China, sino el “ascenso del resto”.

La solución no es el aislacionismo, sino una estrategia de selectividad similar a la que defendió el presidente Dwight Eisenhower en los años 1950. Una estrategia de poder inteligente comienza por una clara evaluación de los límites. El poder preeminente no tiene que patrullar cada frontera y proyectar su fuerza en todas partes. Es por eso que Eisenhower se opuso prudentemente a una intervención directa del lado francés en Vietnam en 1954.

Eisenhower también estaba en lo cierto respecto de algo: la fuerza militar de Estados Unidos depende de la preservación de su fuerza económica. Crear nación fronteras adentro no es el aislacionismo que temen los críticos; por el contrario, es central para una política exterior inteligente.

Una estrategia inteligente evitaría la participación de fuerzas terrestres en guerras de gran envergadura en el continente asiático. Sin embargo, esa prudencia no equivale a aislacionismo. Estados Unidos necesita combinar mejor sus recursos de poder blando y duro.

Como dijo Obama en su discurso sobre el Estado de la Unión en 2014, “en un mundo de amenazas complejas, nuestra seguridad depende de todos los elementos de nuestro poder –inclusive una diplomacia sólida y con principios”. Eisenhower podría haber dicho lo mismo, y nadie lo acusaría de ser aislacionista.

Copyright Project Syndicate


Joseph S. Nye, Jr. es profesor de Harvard y autor, más recientemente, de Presidential Leadership and the Creation of the American Era.


For additional materials on this topic please see:

China, India and the United States: Tempered Rivalries in Asia

New Realities: Energy Security in the 2010s and Implications for the US Military

GI Come Back


For more information on issues and events that shape our world please visit the ISN’s Weekly Dossiers and Security Watch.

1914 Revisited?

Photo: greatwar.nl/Wikimedia Commons

CAMBRIDGE – This year marks the hundredth anniversary of a transformative event of modern history. World War I killed some 20 million people and ground up a generation of Europe’s youth. It also fundamentally changed the international order in Europe and beyond.

Indeed, WWI destroyed not only lives, but also three empires in Europe – those of Germany, Austria-Hungary, and Russia – and, with the collapse of Ottoman rule, a fourth on its fringe. Until the Great War, the global balance of power was centered in Europe; after it, the United States and Japan emerged as great powers. The war also ushered in the Bolshevik Revolution of 1917, prepared the way for fascism, and intensified and broadened the ideological battles that wracked the twentieth century.

How could such a catastrophe happen? Shortly after the war broke out, when German Chancellor Theobald von Bethmann-Hollweg was asked to explain what happened, he answered, “Oh, if I only knew!” Perhaps in the interest of self-exoneration, he came to regard the war as inevitable. Similarly, the British Foreign Minister, Sir Edward Grey, argued that he had “come to think that no human individual could have prevented it.”