Un New Deal pour les Etats fragiles

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A Vehicle Born Improvised Explosive Devise (VBIED) after exploding on a street
A Vehicle Born Improvised Explosive Devise (VBIED) after exploding on a street in Iraq. Photo: Eli J. Medellin/Wikimedia Commons.

PARIS – Le quart de la population de la planète vit dans des Etats fragiles et/ou dans des zones affectés par des conflits. Malgré d’énormes sommes consacrées depuis 50 ans à aider ces Etats, les conflits armés et la violence continuent à perturber la vie de millions de personnes à travers le monde.

Aussi, les partenaires nationaux et internationaux de ces Etats doivent-ils changer radicalement d’approche. J’ai été aux premières loges pour constater cette nécessité au Sri Lanka après le tsunami dévastateur de décembre 2004. Lors des deux premiers mois qui ont suivi, quelques 50 chefs d’Etat et ministres des Affaires étrangères se sont rendu sur l’île, chacun avec son propre programme, des organisations de son pays et ses équipes de TV. La plupart n’avaient qu’une connaissance superficielle du conflit entre les activistes Tamouls et le gouvernement sri lankais. De grosses erreurs ont été commises qui ont encore attisé la violence.

Le principal défi est maintenant de s’éloigner d’un modèle de coopération dans lequel ce sont les gouvernements ou les organismes des pays donateurs qui déterminent les priorités, les mesures à appliquer et les besoins de financement. Les pays affectés par un conflit devraient être capables de choisir leur propre destinée.

Il faut établir des modèles de transition d’après-conflit, tel celui proposé par le g7+ qui regroupe 18 Etats fragiles. Ce modèle est simple : chaque pays évalue sa propre situation avec les outils appropriés qu’il aura développés et formule une vision et un plan destinés à consolider la paix et à parvenir à la prospérité.

Cela peut sembler utopique, pourtant ce modèle est expérimenté en Afrique dans le cadre des programmes Agenda for prosperity 2013-2017en Sierra Leone et Vision 2030 au Libéria. Les progrès en matière de priorités nationales telles que la consolidation de la paix, l’accès à la justice et la sécurité sont supervisés localement. On s’est rendu compte que le recours au savoir-faire et aux systèmes locaux contribue à renforcer ces capacités locales.

Le New Deal for Engagement in Fragile States qui prévoit une série d’engagements au niveau international concernant l’aide et le développement a obtenu le soutien du Quatrième forum de haut niveau sur l’efficacité de la coopération qui s’est tenu en 2011à Busan en Corée du Sud. Il propose d’adopter un modèle de ce genre. Il intègre ce qui importe le plus pour parvenir à un Etat et à une société pacifiés : des engagements en faveur de la paix et du renforcement de l’Etat pour améliorer la participation des partenaires nationaux et internationaux des pays affectées par la violence et une trop grande fragilité de l’Etat.

Le New Deal tire les leçons des expériences de consolidation de la paix en intégrant les facteurs clés pour parvenir à un résultat visible et durable : un leadership national et un programme précis. Ainsi que l’a formulé Kosti Manibe, le ministre des Finances du Soudan du Sud,“Rien ne se fera pour nous sans nous”.

Lors de nombreuses conversations avec Salva Kiir, le président du Soudan du Sud, nous avons évoqué ce que devraient être les priorités essentielles de ce nouvel Etat, manifestement fragile. Mais cela n’a de sens que si ses partenaires acceptent que les décisions se prennent dans une capitale comme Juba plutôt que chez eux.

Plus de 40 pays et institutions ont souscrit à la manière de travailler proposée par le New Deal qui suppose l’amélioration de leur partenariat et l’investissement nécessaire en termes de ressources et de capital politique. Le New Deal est innovant, car il prévoit un soutien politique en faveur de problèmes faisant obstacle à la transition d’une situation de conflit et de fragilité de l’Etat à une situation de paix et de stabilité.

Favoriser un dialogue politique inclusif et veiller à une résolution pacifique des conflits constituent la priorité. Il faut y ajouter la sécurité, le bon fonctionnement de la justice et un secteur privé dynamique qui génère suffisamment d’emplois. Par ailleurs, nombre d’Etats fragiles disposent de ressources naturelles considérables. Grâce à une gestion transparente de ces ressources, ils doivent parvenir à diminuer la corruption et les transferts illégaux de liquidités et de biens, ce qui permettra d’accroître les revenus dédiés aux services de base.

C’est ainsi que les Etats fragiles pourraient assumer la responsabilité de leur redressement et de leur développement. En tant que partenaires, nous devons accepter ce leadership national. Après le tremblement de terre qui a dévasté Haïti en 2010, on a qualifié l’île derépublique des ONG. Incapables de créer les conditions nécessaires pour que les Haïtiens eux-mêmes puissent diriger la reconstruction de leur pays, les partenaires étrangers d’Haïti ont fait obstacle à l’établissement d’un systéme de gouvernance intérieure efficace.

Comment faire pour que nos engagements et nos priorités débouchent sur de meilleures conditions de vie pour les populations affectées par des conflits ou une trop grande fragilité de l’Etat ?

Les pays de l’OCDE doivent donner l’exemple en respectant leurs engagements. Par l’intermédiaire d’organes tels que le g7+, nos partenaires doivent continuer à exiger les changements de politique et de pratiques auxquels nous nous sommes engagés.

Il ne faut pas oublier les changements à long terme. Alors que 2015, l’année butoir pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement se rapproche, les programmes de développement futurs doivent inclure ce qui reste d’une importance cruciale : le soutien au rétablissement de la paix et de la sécurité et à la résolution non violente des conflits.

Les membres du Dialogue international sur la consolidation  de la paix et le renforcement de l’Etat (le forum de niveau élevé qui a créé le New Deal) se sont rencontrés récemment à Washington pour évaluer les progrès réalisés dans notre manière de travailler et d’appliquer les engagements du New Deal. Dans le Communiqué de Washington ils demandent aux partenaires en matière de développement, aux pays du g7+ et aux organisations de la société civile d’intensifier leurs efforts pour traduire les engagements du New Deal en changements concrets et ils appellent à un programme de développement post-2015 qui reconnaisse l’importance universelle de la consolidation de la paix et le renforcement de l’Etat.

En fin de compte, nos progrès dépendront de l’implication et de la volonté de chacun de transformer la vie des 1500 millions de personnes dont la vie est marquée par la violence, la guerre ou l’insécurité.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Copyright Project Syndicate

Erik Solheim est président du Comité d’assistance au développement de l’OCDE. Il a été ministre du développement et ministre de l’environnement en Norvège.

For additional reading on this topic please see:

Strengthening the UN Peacebuilding Commission

Justice, Truth and Reparation in the Colombian Peace Process

Enhancing Security and Justice in Liberia: The Regional Hub Model


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