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Les USA, l’Iran et la Syrie

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Battle of al-Qusayr. Photo: Syria War/Wikipedia.

PRINCETON – La perspective d’une frappe militaire américaine en Syrie s’éloigne, le président Obama ayant donné son accord à une initiative internationale visant à prendre le contrôle des stocks d’armes chimiques en Syrie. Ce renversement de situation est intervenu dans un contexte de pressions diplomatiques croissantes de la communauté internationale pour éviter une escalade de la violence en Syrie. Mais l’on n’y parviendra pas sans l’Iran.

Lors d’une conférence de presse commune avec son homologue syrien, Walid al-Moallem, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a formulé une proposition sur laquelle il s’était mis d’accord avec l’Iran qui demande à la Syrie de “mettre ses sites de stockage d’armes chimiques sous contrôle international”. Ces stocks seraient alors détruits et la Syrie signerait la Convention sur l’interdiction des armes chimiques. La proposition russo-iranienne appelle aussi à des mesures sous les auspices du Conseil de sécurité visant à empêcher les forces rebelles syriennes de recourir aux armes chimiques.

Moallem a immédiatement accepté la proposition. Quelques heures plus tard le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a fait de même, tandis qu’Obama a déclaré qu’il espérait avec ferveur parvenir à une solution non militaire.

Cette initiative offre une porte de sortie à Obama pour échapper à des difficultés politiques et à des incertitudes en politique étrangère. Mais la question est loin d’être résolue, car il n’exclut pas une frappe militaire. Voici donc les 12 raisons pour lesquelles l’Amérique devrait saisir l’occasion d’une résolution diplomatique de la crise, ainsi que le permet le plan proposé par la Russie et l’Iran :

1. Il existe des preuves que l’opposition syrienne dispose d’armes chimiques. En décembre 2012 l’Iran a officiellement informé les USA de l’arrivée en Syrie de ce type d’armes, notamment du gaz sarin. Les USA ont refusé de collaborer avec l’Iran sur cette affaire.

2. Une frappe militaire contre la Syrie pourrait embraser toute la région – et même les USA. Après leur expérience en Afghanistan et en Irak lors de la décennie précédente, ces derniers ne peuvent se permettrent de s’embourber en Syrie.

3. Du fait de l’intensification du conflit régional entre chiites et sunnites, les dizaines de milliards de pétrodollars en soutien aux extrémistes et aux terroristes ont déjà déstabilisé la région. Une action militaire américaine contre la Syrie renforcerait encore l’extrémisme et conduirait les rebelles à commettre des atrocités à grande échelle contre les Syriens de toutes religions. Des rapports font état d’exécution et de mutilation de prisonniers appartenant au camp gouvernemental. Il ne fait aucun doute que la situation de la communauté chrétienne et de la communauté juive est extrêmement précaire.

4. La décision des USA de soutenir les extrémistes en Syrie est en contradiction avec leur “guerre contre le terrorisme” et va diminuer le soutien international dont ils disposent dans cette “guerre”. La possibilité d’une coopération avec l’Iran pour déloger les extrémistes d’Al Qaïda (qui s’est présentée à eux en Afghanistan et en Irak) ne sera probablement plus envisageable s’ils interviennent.

5. C’est une erreur de croire que sans le président Bachar Al-Assad en Syrie, l’Iran perdra son influence sur le monde musulman et distendra ses liens avec le Hezbollah au Liban. L’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak par les troupes des USA a affaibli leur position et renforcé celle de l’Iran sur l’échiquier régional et il est probable qu’il en sera de même d’une intervention américaine en Syrie.

6. Une attaque des USA contre la Syrie les isolerait sur la scène internationale et mettrait fin à tout espoir de solution diplomatique. Une  nouvelle aventure militaire américaine ne soulève nulle part l’enthousiasme – qu’il s’agisse de l’OTAN, du G20, des Européens, de la Russie, de la Chine ou des 60% d’Américains opposés à une frappe militaire américaine unilatérale.

7. Les victimes civiles seraient nombreuses. La principale justification d’une intervention militaire est d’ordre humanitaire (mettre fin au massacre absurde de civils syriens), mais elle  ferait plus de mal que de bien.

8. L’implication des USA en Syrie faciliterait la tâche de ceux qui veulent mettre de l’huile sur le feu à l’affrontement américano-iranien. Les groupes proches d’Al Qaïda s’attaqueraient aux intérêts des USA dans la région pour que les soupçons se portent sur l’Iran et les organisations activistes à sa solde, ce qui pourrait servir de prétexte à une intervention militaire américaine contre l’Iran.

9. Une frappe militaire américaine contre un troisième pays à majorité musulmane décrédibiliserait  définitivement toute tentative d’Obama visant à restaurer l’image de l’ Amérique dans le monde musulman. Mais ce serait sans doute un bonus pour “l’axe de la résistance” – l’Iran et le Hezbollah.

10. Toute intervention militaire unilatérale des USA contre la Syrie aviverait la tension entre eux et la Russie, ce qui renforcerait l’alliance entre cette dernière et l’Iran.

11. Le dirigeant suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a autorisé l’équipe du nouveau président, Hassan Rouhani, à entamer des discussions directes avec les USA. Une telle occasion de mettre fin à des décennies d’hostilité bilatérales ne se représentera sans doute pas de si tôt. Aussi, une attaque américaine contre la Syrie mettrait-elle probablement fin à tout espoir de rapprochement américano-iranien pour les années à venir.

12. Avec un modéré comme Rouhani à la présidence, une frappe militaire américaine réduirait à néant une occasion en or pour résoudre la crise entre les deux pays sur le nucléaire iranien, tout en leur permettant de sauver la face.

Tant l’Iran que les USA considèrent l’utilisation d’armes de destruction massive comme un crime grave. L’Iran a été une victime importante des armes chimiques lors de la guerre de 1980-1988 avec l’Irak de Saddam Hussein. L’Iran peut être un partenaire majeur pour mettre fin à la prolifération des armes de destruction massive en Syrie, au Moyen-Orient et au-delà.

L’Iran estime que le Conseil de sécurité est le seul organe qui peut légalement enquêter sur les allégations concernant l’utilisation de ces armes et décider de la réponse appropriée. Le soutien des USA et de l’Iran à une mission d’enquête du Conseil de sécurité visant à identifier les responsables de l’utilisation des armes chimiques serait un premier pas prometteur vers une coopération entre les deux pays. Obama a sa “ligne rouge” quant à l’utilisation des armes chimiques, il en est de même de Khamenei.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Copyright Project Syndicate

 


Seyed Hossein Mousavian a été ambassadeur de l’Iran et porte-parole de l’Iran lors des négociations sur le programme nucléaire iranien. Il est chercheur associé à l’université de Princeton (à l’école Woodrow Wilson des affaires publiques et internationales). Son dernier livre s’intitule  The Iranian Nuclear Crisis: A Memoir.


For additional reading on this topic please see:

Syria, Black Swans and International Power

US Government and Congress Response to Syria

Military Operation in Syria and What Then?

 


For more information on issues and events that shape our world please visit the ISN’s Weekly Dossiers and Security Watch.

 

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