Le 7 avril 2012, une avalanche meurtrière a frappé un camp de l’armée pakistanaise dans le secteur de Gayatri, 30km à l’ouest du glacier de Siachen, tuant plus de 130 personnes, des militaires pour la plupart. L’ampleur de la tragédie a une fois de plus mis en lumière un conflit de longue date entre l’Inde et le Pakistan au Siachen, souvent désigné comme «le plus haut champ de bataille du monde.»
Opération de secours de l’armée pakistanaise sur la plus haute frontière du monde à Siachen. Photo Mohsin Hassan © Copyright Demotix (8 avril 2012)
Conflit gelé
Depuis 1984, les armées des deux pays sont engagées dans des conflits militaires, à plus de 7.000 mètres d’altitude, sous des températures qui plongent parfois en deçà de -60 degrés centigrades. Un cessez-le feu avait été convenu en 2003, mais le conflit se poursuit jusqu’aujourd’hui, ce qui oblige chacun des deux pays à déployer ses troupes et installer des bases et postes militaires dans cette région complètement inhospitalière. Tandis que certains critiques ont qualifié cette guerre de futile, d’autres analystes ont par contre, souligné l’importance de cette région stratégique dans la géopolitique de chacune des deux nations.
Copie d’écran d’une vidéo postée sur YouTube par zubahan136
Il est arrivé parfois que les deux parties expriment chacune le désir de se désengager et de retirer ses troupes des avant-postes de Siachen. Cependant, après le conflit de Kargil en 1999, qui a permis aux Pakistanais de s’infiltrer du côté indien de la LOC, l’Inde a durci sa position et décidé de ne plus retirer ses troupes, à moins que le Pakistan n’accepte de signer l’Actual Ground Position Line (AGPL) qui permettrait de cartographier les positions actuelles des troupes ou des avant-postes de chaque partie.
Le souci de l’Inde était que, si ce n’était fait, le Pakistan recommencerait peut-être à transgresser la cartographie de ces frontières. En outre, l’Inde craint également de devenir vulnérable à d’éventuelles incursions de la Chine, ce qui l’amène donc à hésiter à renoncer à son avantage stratégique en ce qui concerne le contrôle de la crête de Saltoro.
Les pourparlers de démilitarisation de cette région dans l’impasse
En Juin 2005, le Premier ministre indien, le Dr. Manmohan Singh, lors d’une visite au camp de base de Siachen à Parthapur, s’est adressé aux troupes et a dit qu’il était temps de faire de Siachen « un symbole de paix» à travers des négociations pacifiques. Mais, il a également affirmé que ceci ne donnerait pas lieu à un re-découpage des frontières.Toutefois, bien qu’il y ait eu une série de pourparlers entre les deux pays depuis lors, peu de progrès ont été accomplis vers la résolution de ce conflit.
La récente tragédie de l’avalanche a conduit les autorités pakistanaises à faire pression pour une démilitarisation de la zone en insistant sur le coût humain et le poids financier que le maintien de ces bases militaires représentait pour les deux pays.
Rafeel Wasif, un blogueur pakistanais, écrit :
“Quand une bombe explose, tout ce que nous demandons, c’est le nombre de morts ; sur le coup, nous ressentons un peu de remords, nous en discutons et c’est plus ou moins à cela que se limite notre débat. Quoi que cela puisse être, un cadeau ou une malédiction pour l’humanité – on oublie tout avec le temps et on passe à autre chose. Mais aujourd’hui, pour une fois, je n’ai pas l’intention de tout oublier. Pourquoi nos soldats étaient-ils là en premier lieu ? Pourquoi continuons-nous à investir aussi massivement dans la protection d’un bloc de glace, inhabité par les humains, exception faite des soldats qui, de manière précaire, le gardent pour prévenir toute intrusion d’étrangers ?”
“La réponse est simple. Le climat de propagande et de méfiance à l’origine de cette situation, entrave considérablement sa résolution à l’amiable. Malheureusement, en Inde, le Siachen est considéré comme un symbole de fierté et d’exploit, tandis qu’au Pakistan, il est considéré comme les retombées d‘une agression de l’Inde, qui mérite d’égales représailles.”
Bâtir la confiance
Néanmoins, le fait que les deux parties aient convenu de poursuivre le dialogue dans une atmosphère cordiale est perçu comme un pas dans la bonne direction pour les relations bilatérales et les liens trans-frontaliers entre les deux pays. Sur Youth Ki Awaaz, le blogueur indien Shashank Bhashkar fait quelques suggestions qui à son avis, pourraient être le début d’une possible solution. Il écrit :
“Une frontière peut être créée le long de l’actuelle LOC et des caméras de surveillance peuvent être mises en place pour surveiller toute éventuelle infiltration. Les deux parties peuvent chacune poster leurs armées dans une position telle qu’elles puissent être déployées rapidement lorsque des infractions découlant du non respect de cet accord sont commises par l’une des parties. Les caméras pourront également servir de preuves pour la communauté internationale. La nécessité pour l’heure est d’afficher la confiance des deux côtés et parvenir à un accord raisonnable, afin que plus aucune vie humaine ne soit perdue.”
Le prochain tour de négociations, entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays était prévu les 4 et 5 juillet. Les discussions au niveau ministériel auront probablement lieu en août. Cependant, il reste à voir si les deux parties continuent de s’en tenir chacune à sa position – si c’est le cas, le Siachen restera une source de conflits inter-étatiques entre l’Inde et le Pakistan et l’impasse se poursuivra. Le défi sera alors de trouver un moyen de sortir de cette situation et travailler à une solution mutuellement acceptable pour régler ce conflit des glaces.
For further information on the topic, please view the following publications from our partners:
India-Pakistan Detente: Its Significance is More Than for Restoring Bilateral Relations, from the Institute of South Asian Studies (ISAS), Singapore, Singapore.
South Asia and Afghanistan: The Robust India-Pakistan Rivalry, from the Peace Research Institute Oslo (PRIO), Oslo, Norway.
Resolving Siachen: Perspectives from India and Resolving Siachen: Perspectives from Pakistan, from the Institute of Peace and Conflict Studies (IPCS), New Delhi , India.
For more information on issues and events that shape our world please visit the ISN’s Security Watch and Editorial Plan Dossiers.