Netanyahou le Palestinien

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Benjamin Netanyahu at the World Economic Forum Annual Meeting 2009 in Davos

PHILADELPHIE – En janvier les électeurs israéliens se rendront aux urnes pour des élections qui annoncent le renouvellement de mandat du Premier ministre Benyamin Netanyahou. C’est cette perspective que redoutent la gauche israélienne, l’administration du Président américain Barack Obama, la plupart des dirigeants européens ou encore de nombreux Juifs américains.

Mais personne n’envisage la perspective d’un nouveau gouvernement Netanyahou avec plus d’angoisse que les Palestiniens. Dans la longue l’histoire tourmentée du conflit israélo-arabe, ils n’ont jamais vilipendé aucun Premier ministre israélien plus que Netanyahou, à l’exception peut-être d’Ariel Sharon. La raison est simple : il est l’un d’entre eux.

A strictement parler, bien sûr, ce n’est pas vrai. Mais contrairement aux Premiers ministres israéliens précédents (encore une fois, à l’exception possible de Sharon), Netanyahou a imité la stratégie politique palestinienne du sumud – en français : détermination.

La philosophie du sumud s’enracine dans la croyance inébranlable des Palestiniens en faveur du bien-fondé de leur cause et du caractère juste des moyens qu’ils emploient. Cela fonctionne à la fois de façon passive et active dans la culture palestinienne, et exige de l’obstination, de la tolérance pour la cruauté, la violence et la duplicité.

Au cœur du sumud se trouve la vision indéfectible et obstinée selon laquelle Israël est illégitime et sa durée limitée. En conséquence, les dirigeants palestiniens ont mobilisé pendant des dizaines d’années leur société pour survivre à Israël. L’endoctrinement commence dès le plus jeune âge par la famille, l’éducation et les médias, et encourage plus tard une résistance plus agressive, dont le terrorisme fait partie.

En d’autres termes, les Palestiniens jouent une partie longue. Mais les plans pour le fonctionnement d’un Etat palestinien qui ne dépende pas de l’aide étrangère ont brillé par leur absence, exceptés les récents efforts du Premier ministre palestinien Salam Fayyad de l’Autorité Palestinienne.

La version du sumud de Netanyahou est patente dans ses mesures politiques et sa rhétorique, qui se concentrent sur la légitimité, la nécessité et la permanence d’Israël. En effet, ses discours énoncent fréquemment des leçons d’Histoire juive, tout en désignant « la Terre Sainte » comme étant à la fois un droit juif et un symbole national israélien.

Dans son discours de septembre dernier devant les Nations Unies, Netanyahou a réitéré son message fondamental destiné à tous, et en particulier aux Israéliens : « Il y a trois mille ans, le Roi David a régné sur l’Etat juif dans notre capitale éternelle, Jérusalem. Je dis cela à tous ceux qui proclament que l’Etat juif n’a pas de racines dans notre région et qu’il va bientôt disparaître. » Une telle rhétorique flatte une stratégie de renforcement à long terme du contrôle israélien sur les zones centrales, en particulier sur Jérusalem et sa périphérie.

En effet, alors que la construction de colonies en Cisjordanie se relâche, cette rhétorique continue. D’ailleurs, les activités anti-terroristes agressives et la barrière de séparation ont calmé de manière décisive les attaques frontalières, tout en contenant la pression de plus en plus forte en Palestine, où le conflit est relégué au second plan. Et Netanyahou continue de superviser l’expansion économique et l’amélioration des relations avec l’étranger, en dépit de la rhétorique hostile de la part de l’Europe et d’autres pays.

Les Palestiniens semblent tenir cette catégorie de sumud de Netanyahou pour ce qu’elle est. Sa détermination, et la baisse de l’intérêt international pour leur combat, alors que l’attention du monde se déplace vers l’hiver islamiste du Printemps arabe, contrecarre toute avancée vers un accord.

Les États-Unis éprouvent peut-être la même frustration. Les Premiers ministres israéliens sont censés se classer sous deux catégories : des hommes au fort accent d’Europe de l’Est et des militaires de haut rang grisonnants tenant de beaux discours avant d’acquiescer aux dernières exigences américaines ou internationales pour des concessions, des conférences et de l’aide. Bien que les précédents Premiers ministres comme Menachem Begin et Yitzhak Shamir n’aient pas été contre les conférences, ils ont manqué d’orientation stratégique.

Le refus de Netanyahou de faire des compromis déconcerte, confond et exaspère souvent les Américains. Ses dissertations sans relâche sur l’environnement stratégique d’Israël, sur les exigences de sécurité, les lignes rouges et l’Histoire juive ne sont compensés que par des paroles conciliantes au sujet de la réouverture des négociations, immédiatement rejetées par les Palestiniens, qui comme lui, craignent de paraître faibles.

En outre, l’évaluation sans complaisance de Netanyahou sur le Moyen-Orient ne concorde pas avec celle de l’administration Obama (sous l’emprise de ses tentatives de séduction avortées envers les islamistes modérés) ni avec celles de ses partisans dévoués parmi les Juifs américains. Ces groupes ne comprennent pas Netanyahou, qui proclame les droits des Juifs, défend les intérêts de son pays et envoie des signes de conciliation, mais cède peu de terrain, un peu à la manière d’un dirigeant arabe traditionnel.

Malgré un dégoût israélien considérable envers le parti de Netanyahou, ses alliés et sa politique, il n’a aucun rival crédible. Les Israéliens acceptent à contrecœur que le pays et sa situation géopolitique soient relativement stables, en particulier en raison de son voisinage immédiat : la Syrie en guerre, l’Egypte qui ronge son frein et le Liban explosif. D’ailleurs ces variables qui risquaient de compromettre la réélection de Netanyahou (la situation à Gaza et au Liban, par exemple, ou les situations qui se détériorent au Sinaï et en Jordanie, et qui pourraient entraîner Israël dans des opérations militaires non désirées), semblent maintenant peu susceptibles d’avoir une influence sur les résultats.

En conséquence, Netanyahou est en position de force. Les Palestiniens se sont engagés dans un jeu à somme nulle qui lui a donné l’avantage. En utilisant la propre stratégie des Palestiniens, il les a acculés. Après tout, les efforts de paix authentique de la part des Palestiniens (fondés sur une solution à deux Etats avec aucun « droit au retour » pour les réfugiés d’après 1948) risquent de faire enrager le Hamas et de relancer la violence entre factions, en ajoutant une nouvelle autodestruction à une liste déjà longue.

Avec une telle aide des Palestiniens (par exemple, le Hamas a amèrement fustigé récemment le Président palestinien Mahmoud Abbas après qu’il ait impliqué involontairement l’abandon du droit au retour), Netanyahou pourrait bien gouverner Israël et la Palestine dans un proche avenir.

Traduit de l’anglais par Stéphan Garnier.

Alex Joffe est chargé de cours au Forum du Moyen-Orient.

© Project Syndicat


For additional reading on this topic please see:

Palestine’s UN Status Change: What Comes Next?

Israel: Background and US Relations

Safeguarding Israel’s Security in a Volatile Region


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