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Chine : Dans la Saga Bo Xilai, les Médias Sociaux ont-ils Défié le Pouvoir ?

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Bo Xilai portrayed as Greek mythology character Icarus, who tried to fly too close to the sun with a set of wings made from wax. Source: Beijing Cream.
Bo Xilai représenté en Icare, personnage de la mythologie grecque qui tenta de voler trop près du soleil avec des ailes de cire. Source : Beijing Cream.

Conflit politique, meurtre, corruption, espionnage et conflit diplomatique : la chute de Bo Xilai des rangs de l’élite du Parti communiste chinois (PCC) s’est avérée être une histoire à plusieurs facettes. L’affaire Bo Xilai est également un bon exemple du rôle perturbateur des médias sociaux aujourd’hui en Chine. En dépit de la censure, les discussions sur les réseaux sociaux ont attiré l’attention des médias internationaux.

Avec l’élection du prochain président de la république [pdf] prévue pour octobre 2012, après 10 ans (deux mandats) de présidence de Hu Jintao, le cas de Bo Xilai a fait la Une des médias chinois et étrangers. Il a été beaucoup dit que les médias sociaux avaient rendu impossible pour le gouvernement de garder l’histoire secrète. Cependant, les autorités ont également su tirer parti de ces médias sociaux. Le gouvernement chinois a-t-il vraiment voulu cacher l’affaire Bo Xilai ? Les médias sociaux ont-ils réellement mis en difficulté le système de contrôle des informations ? L’opacité de la politique chinoise nous empêche de répondre à ces questions, mais il est intéressant de se les poser.

Récapitulons le rôle des médias sociaux chinois dans cette affaire, et voyons s’ils ont pu jouer un rôle déterminant en forçant la divulgation des informations et en contestant le contrôle des informations par le gouvernement.

Février 2012

1. Les premières rumeurs se répandent

Wang Lijun, vice-maire de Chonqing, disparait de son poste. Malgré la censure, les spéculations sur les raisons de ce départ vont bon train sur les micro-blogs chinois. Selon la rumeur, Wang aurait demandé l’asile politique au consulat des États-Unis après être tombé en disgrâce aux yeux du puissant secrétaire local du parti, Bo Xilai, qui aspirait à de hautes fonctions. Wang aurait dénoncé l’implication de Bo Xilai dans le meurtre de Neil Heywood, un homme d’affaires britannique.

2. Des “vacances thérapeutiques”

Selon une déclaration officielle sur Sina Weibo [fr], un équivalent chinois de Twitter, Wang aurait été temporairement écarté de son poste pour des “vacances thérapeutiques”. Cette formulation est devenue un mème ironique sur le Net chinois.

3. Que fait la censure ?

Dans un post publié sur Sina Weibo que les internautes se sont empressés de rediffuser, le gouvernement chinois confirme que Wang s’est rendu au consulat des États-Unis. Les discussions en ligne sont non seulement autorisées, mais également alimentées par les autorités, attisant une certaine suspicion chez les internautes. Le blogueur C. Custer, du site ChinaGeeks, écrit :

En ce moment, Wang apparait deux fois sur la liste des sujets les plus discutés sur Sina Weibo. […] Les recherches sur “Wang Lijun” (orthographié correctement) ne sont pas censurées. Sina ne cherche pas du tout à étouffer cette histoire. Ce qui m’amène à me poser cette question : cherche-t-on à détruire Bo Xilai ?

Mars 2012

4. Les premières rumeurs confirmées

L’agence de presse officielle Xinhua fait un double communiqué : Wang a été suspendu de son poste et Bo Xilai a a été remplacé par Zhang Dejiang comme secrétaire du parti pour la ville de Chongqing. Un autre article confirme que Wang a fait une demande d’asile politique auprès du consulat des États-Unis.

5. Deuxième vague de rumeurs

Parmi les discussions agitées sur l’élimination politique de Bo Xilai, des rumeurs d’un coup d’état à Pékin se répandent en ligne ainsi que celles d’une confrontation entre le président Hu Jintao et le Premier ministre Wen Jiabao d’un côté, et le défenseur de Bo Xilai, Zhou Yongkan, de l’autre.

6. Les discussions sur un possible coup d’état réveillent la « grande muraille pare-feu »

Les sites de micro-blogging Sina Weibo et Tencent Weibo bloquent la recherche par mot-clés. Plusieurs jours après ce blocage, le gouvernement s’en prend aux médias sociaux. Xinhua rapporte que six personnes ont été arrêtées et 16 sites internet fermés pour avoir “répandu des rumeurs en ligne perturbant sérieusement l’ordre public, minant la stabilité sociale et méritant une sanction”. Selon le même article, Sina Weibo et Tencent Weibo ont été “réprimandés et sanctionnés en conséquence”. Les deux sites ont bloqué les commentaires pendant trois jours.

Avril 2012

7. La rumeur devient réalité

Le 10 avril, Xinhua annonce deux informations : celle de la démission de Bo Xilai de son poste au comité central du Parti communiste pour “manquements graves à la discipline”, et celle de l’implication présumée de sa femme dans le meurtre de l’homme d’affaires britannique Neil Heywood, suite à des conflits d’intérêts économiques.

Les internautes n’en reviennent pas. Les rumeurs qui avaient envahi internet les mois précédents se retrouvent soudainement en Une de tous les journaux officiels. Jing Gao, du blog Ministry of Tofu, écrit :

Zhang Xingsheng a écrit sur Weibo : “Nous avions suivi les instructions venues d’en haut qui nous disaient de ne jamais croire ou répandre une rumeur. Mais aujourd’hui, la rumeur est devenue la vérité ! Je ne sais plus que penser, faut-il y croire ou non ? Bonne question !”

Les 550 millions d’utilisateurs de micro-blogs chinois viennent d’être témoins d’une stratégie à rebondissements de contrôle de l’information. Les rumeurs qui circulaient en ligne sont devenues du jour au lendemain la vérité officielle, confirmées par les mêmes médias officiels qui les censuraient et les « diabolisaient » au nom de l’harmonie sociale.

8. Conflit politique et corruption

Le gouvernement maintient que la chute de Bo Xilai résulte de la lutte contre la corruption et n’a rien à voir avec un conflit politique. Avec les révélations sur la fortune de la famille de Bo Xilai, les discussions s’échauffent autour de l’enrichissement des dirigeants du parti. Le débat sur la corruption faisant rage dans la presse, le gouvernement tente d’écarter la discussion du sujet sensible que représentent les querelles politiques.

Une fois de plus, Jing Gao remarque :

Une chose est certaine. Avant l’avènement des médias sociaux, le gouvernement ne devait pas d’explications au peuple. […] Aujourd’hui, avec des dizaines de millions de Chinois actifs sur Sina Weibo, le murmure des commérages politiques s’est amplifié et est entendu par des milliers de personnes avant même que la police de l’internet n’arrive.

Les médias sociaux jouent un rôle important en Chine en encourageant la discussion publique, en empêchant la dissimulation. Cependant, le gouvernement sait très bien jouer avec la censure, la divulgation ou le blocage des informations pour manipuler l’opinion publique. Qui sort vainqueur de ce bras de fer ? Les médias sociaux chinois mettent-ils vraiment à l’épreuve le système de contrôle des informations ?

 


For further information on the topic, please view the following publications from our partners:

Lessons from 2011: The New Media Revolution is a Strategic Assetfrom the Institute for Defense Studies and Analyses.

Communist Party of China @ 90: An analysisfrom the Institute of Peace and Conflict Studies.

 The Arab Spring and Democratizing Chinafrom the East Asia Institute.


For more information on issues and events that shape our world please visit the ISN’s Security Watch and Editorial Plan.


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